jeudi 8 décembre 2011

Intouchables

Aujourd'hui plus que jamais, vous avez intérêt à donner votre avis sur les best-sellers, les séries tv, les block-busters du moment ou, mieux encore, les inattendus du box-office (ça en fait du franglais). Pourquoi ? Parce que votre survie sociale est en jeu. 
Au bureau avec les collègues,
Sur les réseaux sociaux avec les amis. 
Donc, je suis allé voir Intouchables - sans aucun doute plus pour faire plaisir à ma compagne que par un souci d'intégration : je ne suis pas si sociable que ça. 
Quand un film emporte un tel succès, et a fortiori s'il n'a pas été annoncé, marketé mais répond au bon vouloir d'une foule de spectateurs via le bouche-à-oreille, il devient foutument compliqué et périlleux d'en dire du mal. Voire même de n'en pas dire du bien. 
Pour être franc, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde et j'ai ri assez souvent. Même quand le propos sur lequel se fondait le gag me plaisait moyen. Si bien que j'ai eu plus d'une fois le sentiment d'oberver un membre de la famille plutôt sympathique mais au goût douteux - hélas, ça n'était que moi. 
Ok, il y a du rythme, les acteurs se défoncent, mention spéciale pour les 2nds rôles et pour Cluzet qui fait passer pas mal de choses avec une mobilité réduite. 
Et puis j'ai lu cette critique de Libé et tout s'est éclairé. C'est qu'ils savent écrire, les cochons, et penser aussi.  Lefort a plutôt tendance à m'agacer, mais il s'est ici adjoint la plume de Didier Péron et Bruno Icher. 
Morceaux choisis - c'est moi qui souligne :

"Intouchables promeut l’union sacrée des riches et des pauvres confrontés à leur échelle aux adversités de l’existence. La fable abolit la méfiance qui règne entre classes sociales et la remplace par un mélange de bonhomie et de sans-gêne. Personne n’exploite personne et les écarts de fortune ne sont jamais un problème ou même un facteur de frustration (du côté des employés). La comédie sociale française organise régulièrement ces rencontres entre bourgeois et prolos.  [...] Les antagonismes deviennent des quiproquos, les sources de révolte finissent en éclat de rire (c'est moi qui souligne)
[...]

Le personnage du banlieusard foutraque, qui a des armes dans son sac de voyage et nargue les flics en roulant à 300 à l’heure sur l’autoroute, est aussi, quand ça l’arrange, le gardien sourcilleux du bon ordre. La morale à géométrie variable, assaisonnée de leçons de vie, est évidemment un ressort efficace pour tous et n’importe qui, car chacun veut la loi pour les autres et la liberté pour soi.
[...]

L’art contemporain ? Une imposture puisque j’en fais autant tous les matins dans ma salle de bains. La musique classique ? Un ennui à périr. L’opéra ? Une plaisanterie, d’ailleurs j’en ris. Baudelaire ? Un pensum, antidrague. Tout cela dit au nom du parler banlieue, du parler d’en bas, du parler incorrect, tous synonymes du parler vrai. Qui n’est pas du tout le fantasme d’un parler minoritaire, mais un parler dominant." 
[...] 
Gérard Lefort, Didier Péron, Bruno Icher, in Libé NEXT



Il y a aussi cette chronique signée Viggy, piochée au hasard sur le web (Zoom Out en l'occurence), plus nuancée et qui résume bien l'impression que me laisse le film :

"Un feel-good movie plutôt réussi qui évite le pathos (le handicap y est banalisé et jamais larmoyant). Certaines répliques font mouche et on se prend d’affection pour ce tandem attachant qui va apprendre l’un de l’autre. 
[...]

Ce calibrage parfait révèle une évidente démagogie dont les raisons du succès sont au fond assez sournoises : le film veut prôner la réconciliation entre les différentes couches de population. [...] En capitalisant à fond sur la sympathie de ces deux personnages antagonistes, le film se voudrait surtout humaniste, porteur d’une certaine utopie sur l’abolition de la lutte des classes. Mais le problème réside dans le portrait simpliste et dans les raccourcis artificiels sur la bourgeoisie. Sous le prétexte de la caricature, le film se sent obligé de railler l’intellectualisme (voire tout le discours franchement beauf sur l’art contemporain et l’opéra) pour mieux faire l’éloge de la richesse et du matérialisme."
[...]
Viggy, in ZOOM OUT

En somme, la comédie sociale française c'est pas mon truc: trop casse-gueule. Je lui préfère l'humour délirant des Zucker, des Nuls ou des Monty Pythons ou, mieux encore les comédies dramatiques. Chacun son truc... 

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