Avec The nightmare before
Christmas, Burton avait placé la barre très haut. Tant l’univers (Burton), que
le scénario (Mc Dowell et Thompson), l’animation (Selick) et la musique (Elfman) concouraient à la magie
immarcescible de mon « film pour enfants » préféré. D’aucuns ont à l’époque
avancé que Selick, réalisateur de l’opus, y était pour beaucoup, ce qu’a vite démenti
quelques années plus tard son pâlichon James et la pêche magique.
12 ans après, Burton + Elfman remettaient
le couvert : Les Noces funèbres promettaient un même enchantement. Las, malgré
l’exubérance polychrome, l’humeur gothique et les chansons bien troussées, pas
la moindre fulgurance n’élevait cette 2e aventure de Burton dans le
monde du long métrage d’animation en volume.
Troisième incursion, le projet Frankenweenie
abandonne tant la couleur que la comédie musicale et revient vers le monde des
banlieues stéréotypées à la Spielberg. Alors, qu’attendre d’un réalisateur qui
déclenche désormais plus souvent l’ennui que l’émerveillement ?
À peu près tout, et c’est tant
mieux tant le film est une réussite.
Inscrire le gothique dans le
lotissement 60’s est un contrat que Burton a déjà brillamment rempli avec Edward
aux mains d’argent. Ici, il revisite cette arrière-boutique de son talent
singulier avec le plaisir d’un jeune premier et l’expertise d’un maître. A New
Holland, petite ville trop souvent frappée par la foudre pour ne pas abriter
une population d’ados aux penchants pour le macabre, il se passe de drôles de
choses et les valeurs y sont vite inversées. Les emos sont les normaux et Barbie une pythie. La concomitance
d’un concours scientifiques à destination des lycéens, du décès d’un chien
adoré et de la fête communale va porter ces singularités vers un climax d’épouvante.
Avec clin d’œil appuyé vers la
sous-culture d’un certain cinéma d’horreur.
Bien sûr, l’éloge de « la
différence vécue au cœur de la communauté » si cher à Hollywood, cette
machine à niveler la culture, marque tout le récit. Mais Burton – lui-même
un cas d’école, tant il est parvenu à inscrire son imaginaire à la Gorey dans
la roseraie Disney – et son scénariste empruntent assez de chemins de
traverse pour faire passer la pilule au plus rétif – moi en l’occurrence.
Comme une blague adolescente, le
récit ne recule devant aucune outrance. Que les crottes d’un chat persan
servent de véhicule pour lire l’avenir ou qu’un cochon d’inde soit inhumé au
fond d’un immense mausolée font partie du quotidien des gosses de New Holland. Un
prof de sciences tente d’édifier ses élèves grâce à l’effrayante description de
phénomènes météorologiques ? Sa classe a bien pire à lui raconter, et elle
ne s’en privera d’ailleurs pas. Un peu dérangés, tous ces mômes s’avancent, d’une
expérience à l’autre, vers le final à l’apocalypse jouissive et assumée.
Molle dans le premier
tiers – après tout c’est du Burton –
la mise en scène accumule les morceaux de bravoure. Quant à la photographie de
Peter Sorg, elle alterne le plein soleil d’une sorte de Californie magnifiée
aux ombres expressionnistes de son climat capricieux : un noir et blanc
qui donne des couleurs à l’intrigue.
Même la fin, qui m’a fait un
instant craindre le pire – la promesse d’un retour à la normal, le happy
end démago, la leçon du héros bien apprise avec bonus de maturité –
balaie le clicheton : ceux qui ont le plus à apprendre de cette histoire sont
les adultes.
Si je ne suis pas certain d’approuver, je veux bien participer aux
travaux de la classe, tant ils sont aussi excitants que brillants.Petits bémols sur le personnage principal, assez
falot et sur la musique de Dany Elfman, d’où n’émerge aucun thème, alors que le
récit et son traitement s’y prêtaient si bien.