Marie a quarante-cinq ans depuis
deux jours. Elle a beau peser dix kilos de moins que sa fille, chaque fois
qu’elle la regarde elle se dit qu’elle aurait aimé lui ressembler au même âge. L’assurance
avec laquelle elle porte les bijoux que son mari lui a offerts. Son
enthousiasme pour ces vacances à St-Cyprien. Sa décontraction dans l’éducation
de son bébé de vingt-et-un mois. Marie, elle, était toujours inquiète avec
Sophia. C’est même là qu’elle a commencé à fumer.
La femme tâche de s’intéresser à
son petit-fils ; il est beau, il est éveillé. Mais à sa courte honte,
elle doit admettre qu’il l’ennuie. Elle ne l’aime pas vraiment. Il deviendra un
homme semblable à tous les autres, semblable à ceux qu’elle a connus :
obsédé par ses charmes, égoïste, inapte à l’amour et, au final, aussi veule que
prétentieux.
Sophia lui parle de son mari :
il vient d’appeler et il les rejoindra un peu plus tard que prévu. Sophia est
déçue, bien sûr et Marie s’en doutait mais elle n’en dira rien. Le boulot
d’Antoine est envahissant et prendre des vacances ne signifie pas grand-chose
pour ce genre d’hommes : ils se contentent de se déplacer et, où qu’ils se
trouvent, ils allument leur ordinateur pour travailler, le cellulaire à portée
de main. Antoine couvre sa jeune épouse de cadeaux coûteux et n’a pas deux
jours à lui consacrer. Marie sait qu’il a une maîtresse et sans doute plus
d’une : ça se lit dans son regard. Marie a fréquenté tant d’hommes mariés…
Sophia est trop naïve pour en avoir conscience et c’est tout aussi bien :
« elle ne trouverait personne de mieux ».
Marie allume une cigarette avec
le briquet de sa fille puis tourne la tête vers ce célibataire qui traîne tous
les matins à la même table du café-boulangerie de Saint-Cyprien. Il a sûrement
sept ou huit ans de moins qu’elle mais le corps de Marie, entretenu avec la
ferveur que d’autres femmes mettent à soigner leur intérieur, plaît aux hommes.
Il plaît à tous les hommes et c’est pour ça qu’elle sort en maillot de bain et
paréo ouvert haut sur sa jambe.
Tandis que Sophia part régler le
petit-déjeuner avec l’argent de poche de son époux, Marie se demande si elle
jouera un peu avec cet inconnu.
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