Description
de l'éditeur :
Michael Beard a atteint une cinquantaine plus que mûre. Il est chauve, rondouillard, dénué de toute séduction et, au moral, il ne vaut guère mieux. Mais il a dans le temps obtenu le prix Nobel de physique ; depuis lors il se repose sur ses lauriers et recycle indéfiniment la même conférence, se faisant payer des honoraires exorbitants. En même temps, il soutient sans trop y croire un projet gouvernemental à propos du réchauffement climatique. Quant à sa vie privée, elle aussi laisse à désirer. En coureur de jupons invétéré, Beard voit sa cinquième femme lui échapper. Alors qu'il ne croyait plus se soucier d'elle, le voilà dévoré de jalousie. Bientôt, à la faveur d'un accident, il pense trouver le moyen de surmonter ses ennuis, relancer sa carrière, tout en sauvant la planète d'un désastre climatique. Il va repartir de par le monde, à commencer par le pôle Nord? À travers les mésaventures de ce prédateur narcissique, incapable de se contraindre, Ian McEwan traite des problèmes les plus actuels. Et sur ces sujets très sérieux, il parvient à nous fait rire. Voici peut-être le roman le plus comique, le plus intelligent, le plus narquois de cet auteur, l'un des plus grands en Angleterre aujourd'hui.
Une fois
encore McEwan nous présente des personnages fort peu sympathiques, à
moins d'aimer la couardise, la prétention, le mensonge, la cruauté,
la violence faite aux plus faibles, l'égoïsme. Ainsi, Beard n'a
rien pour lui sinon de cumuler des défauts qui nous le rendent aussi
vivant qu'odieux, et parfois, soyons honnêtes, proche de nous.
Oui,
l'auteur tend nous durant 350 pages un miroir à peine grossissant,
il ne se fait pas prier et reste planté là, sa tête passant sur le
côté du cadre histoire de lire la nôtre, de tête, d'en croquer
les traits, les mimiques et d'interpréter ensuite tout le réseau de
non-dits, de décrypter et décrire l'univers malingre, ratatiné
d'avoir nourri tant d'ingratitude envers nos prochains.
Beard c'est
souvent nous, même si les récipiendaires d'un Nobel de physique ne
sont guère nombreux parmi les lecteurs de McEwan. Satiriste,
l'écrivain n'hésite pas non plus à se mettre en scène, à en
croire ses propos lus ailleurs sur la toile. Le séminaire écolo où
artistes et scientifiques sont conviés à échanger autour du
réchauffement climatique et de toutes ces sortes de choses, cette
improbable aréopage fourré dans un navire polaire, McEwan l'a vécu.
Ce qu'il raconte du désordre croissant – cette fameuse entropie
chère à la thermodynamique*– dans le vestiaire où sont déposées
parkas et protections contre le froid après chaque sortie, alors
même que les séminaristes s'essaient à mettre de l'ordre dans
leurs idée et dans le monde, ce foutoir plein du mépris inconscient
d'autrui McEwan l'a expérimenté. Tout comme l'épisode fort drôle
du paquet de chips : une anecdote que Beard racontera à son
auditoire lors d'une conférence pour s'entendre dire, quelques
minutes plus tard, que cette mésaventure n'est rien de plus qu'une
légende urbaine. McEwan réinvente ainsi en fiction une accusation
de plagiat qui lui a été adressée quelques années auparavant dans
des circonstances proches.
L'auteur
fait donc feu de tout bois, n'hésitant pas à tailler dans sa propre
forêt.
Peu importe
au bout du compte, car c'est plus Beard que son créateur qui nous
passionne avec un frisson de léger dégoût.
Toutes les
bonnes résolutions de Beard, car il en produit régulièrement avec
un mélange de mauvaise foi, d'aveuglement et de bonne conscience
acheté à moindre prix, se heurtent au mur de la velléité.
Quelles
sont les forces à l’œuvre, qui ont sapé la motivation et
entretenu la paresse intellectuelle d'un jeune homme jadis brillant,
et enflent continument son ego en le persuadant qu'il a raison de se
comporter si mal avec son entourage ? Ou peut-être, quelle
sont les forces qui ne l'ont jamais permis d'être autre chose qu'un
adolescent imbu de lui-même, un éternel gamin qui n'a d'égard pour
autrui que les services qu'ils voudront bien lui rendre. La réponse
est heureusement multiple et sans doute la problématique
concerne-t-elle beaucoup d'entre nous : difficile de ne pas
trouver chez soi au moins l'un des travers de Beard et au moins l'une
des solutions qu'il a inventées pour (ne pas) y remédier. Au
hasard : vouloir réformer voire sauver le monde mais s'avérer
incapable de s'occuper des siens.
Comme
ailleurs (toujours ?) chez l'auteur, les difficultés du couple
ne sont jamais bien loin du centre de l'intrigue. La force des
malentendus et des médisances exploite les moindres failles pour
abattre les chances de réconciliations : communiquer et
communiquer bien semble être un mirage. Chaque homme est une
forteresse déliquescente dont les murailles seraient envahies et
sapées par le lierre des relations hypocrites, intéressées, ou au
mieux mal comprises. Notre solitude est irrémissible.
McEwan enrobe ce portrait
d'une intrigue documentée, d'un chapelet de péripéties et d'une
bonne dose d'humour noir. Une authentique comédie dramatique, tirant
vers la farce, dotée de quelques plaisantes remarques sur le
réchauffement climatique et la façon dont nous nous colletons au
problème.
La
traduction de France Camus-Pichon montre
un style sobre, direct mais jamais simpliste, plutôt avare de
dialogues et toujours précis.
L'auteur
conclut sa fable avec une fin morale en forme de punition pour celui
qui n'aura cessé de préparer l'irréparable, de piétiner ses
semblables jusqu'à rire, s'il le faut – et cette nécessité naît
de la survie de l'orgueil – de ses propres maladresses,
insuffisances ou, plus rarement, de ses erreurs. C'est dommage :
la réalité, et donc d'une manière assez sûre la vérité, sait
très bien épargner les ordures.
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