jeudi 11 octobre 2012

Un dernier verre avant la guerre - Denis Lehane



De quoi ça parle ?
Patrick Kenzie et Angie Genaro sont contractés pour retrouver une femme de ménage noire. Elle aurait disparu avec des documents confidentiels appartenant au gouverneur. Discrétion recommandée : ce sont les hommes de l’élu eux-mêmes qui commanditent le job. S’il imagine un plan pas cool, le couple de détectives privés ne se doute pas qu’il met les pieds dans une affaire si dramatique qu’elle déclenchera une guerre des gangs. Et cette question : faut-il honorer ses contrats ou se conformer à sa vision de la morale et de la justice ?  

C'est comment ?
Si vous n’avez jamais lu Denis Lehane, vous le connaissez sûrement : le cinéma a adapté Mystic River (une réussite crépusculaire de Clint Eastwood), Gone Baby Gone (un polar ennuyeux de Ben Affleck) et Shutter Island (le gâchis de Scorsese). Avec ce Dernier verre, il signait la première aventure de l’atypique et hard-boiled duo de détectives. Deux amis d’enfance : Kenzie craque depuis toujours pour sa collègue et celle-ci est maquée avec un troisième poto, assez violent pour lui laisser des bleus sur le visage. Kenzie n’est pas exempt de casseroles : son défunt père fut aux yeux de tous un pompier héroïque et au regard de Patrick une brute qui le frappa jusqu’à sa majorité. Y a des pompiers pyromanes. Autant dire qu’on n’est pas là pour rigoler, même si notre couple n’est pas avare de mots d’esprits.
Comme toujours chez Lehane, les tragédies de l’enfance expliquent les tourments brûlants d’aujourd’hui. Cette fois, le passé remonte via d’anciennes photos que deux chefs de gang et des politiciens pervers veulent à tout prix récupérer. Le récit, pas follement réaliste – nos tourtereaux platoniques ont les gangs les plus extrêmes de Boston sur le dos mais ça ne leur vaut que quelques bleus et une nuit blanche – est l’occasion pour Lehane de dépeindre les effets d'une ségrégation raciale qui perdure sans dire son nom. Comment lutter contre les méfaits du communautarisme ? Contre ce feu qui couve sous les braises d’une histoire soi-disant apaisée et qui avance malgré tous les efforts de pompiers humanistes : le racisme ? Explique-t-il toutes les violences ? Et surtout, les excuse-t-il ? L’auteur ouvre le débat, offre des armes aux participants et les regarde d’entre-déchirer. À la fin, aucun consensus ne sera trouvé.
À cette enquête simpliste on pourra préférer celle, plus tortueuse et moins politisée, de Ténèbres, prenez-moi la main. Aucun de ces deux romans n’atteint cependant la maîtrise de Shutter Island – mais là, il faut dire qu’on vole en pleine stratosphère. 

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