vendredi 9 juillet 2010

La Route

C'est quoi de qui chez qui : La Route, Cormac McCarty. L’Olivier

De quoi ça parle : Demain un père et son jeune fils survivent au milieu des décombres fumantes du monde. Ils marchent vers la mer, accablés de froid, de fatigue, tenaillée par une faim permanente.

C'est comment : Outré. J’ai comme un doute en terminant ce bouquin primé, aux millions d’exemplaires. Pendant le 1er tiers, je me dis : Quelle langue ! Quelle puissance d’évocation! A minima pourtant, et ce prégnant sentiment de dévastation muette : la classe internationale. Puis ça se gâte. Les situations de survie se suivent et se ressemblent, puis virent au grand guignol avec l’apparition de cannibales. On oscille entre Romero et Mad Max. Ah, mais avec de la retenue, hein. On n'est pas là pour rigoler et le Monsieur a des choses à dire.
N’empêche : l’impression de post-apocalyptique prétentieux ne me lâchera plus. La Série B survival au royaume du Pulitzer.
Le récit ? Entre deux dialogues avares, Mac Carty ne nous épargne aucun détail. Vous saurez tout de la récup’ « McGyver » d’un réchaud à gaz, du démontage d’une roue de Caddy. C’est du sérieux, je vous dis. Mais cet hyperréalisme est contesté par la situation du monde : la dévastation que l’on imagine sans peine nucléaire n’a épargné aucun animal, à l’exception de l’homme, au point qu’il devient la seule denrée vivante disponible - sans parler des végétaux irrémédiablement consumés. Ridicule. Quant à l’ultime scène, qui vaut pour morale de la fable, elle me donne le hoquet : seule la famille serait garante de la transmission des valeurs positives.
Bref, hiver nucléaire sur la Terre ou pas, on est bien en terrain réac.
Soudain, je comprends le succès énorme de ce livre encensé par la critique.

C’est bien : Belle écriture, puissance d’évocation. Du post-apo ambitieux dans sa forme.

C’est moins bien : L’ambition de la forme confine à la prétention, tant le propos m’a semblé Petite Maison dans la prairie. Sans parler du contexte de série B, malgré les efforts de l’auteur pour asseoir le réalisme des situations.

5 commentaires:

Don Lo a dit…

Comme quoi, hein ? Quand je dis que La Route, c'est plus une expérience perso qu'un livre, et que chacun le vit/lit selon son état d'esprit, je ne suis pas loin.

Tout ce que tu dis sur le livre me paraît juste, mais ne cadre pas avec ce que j'ai vécu.
En cours de lecture, je me sentais en permanence placé devant le questionnement : qu'est-ce que je laisse de moi après la vie, qu'est-ce qui est important quand tout a disparu ?

Et la question m'habite encore...

Jérémie a dit…

anti-américanisme primaire.
on est ici en présence d'une histoire dans laquelle on doit se projeter pour à tout prix éviter de la vivre.
puisque si malheureusement un tel désastre arrivait, on en serait là et bien là, sans aucun doute.
s'arrêter aux détails comme vous le faites ne mène à rien.
ré-apprenez à vous laisser porter par les récits que l'on vous conte.

Erik Wietzel a dit…

@Don Lo : tout à fait d'accord. Un expérience personnelle. Pour ma part, je me suis demandé quelle force serait nécessaire pour sauver mon enfant, jour après jour, dans de telles conditions paroxystiques.

@Jérémie : telles n'étaient pas les intentions déclarées de l'auteur, en tout cas. Mais peu importe : comme le signifie Don Lo, à chacun sa lecture.
Dans tous les cas, il n'est sans doute pas utile d'employer un ton comminatoire pour vous adresser à moi.
Merci pour vos commentaires !

Jérôme a.k.a. Seltzer a dit…

Hello mister Wietzel,

"La route" est une oeuvre assez curieuse, en effet. Pour moi aussi, le brio de l'écriture et la radicalité de la mise en scène m'ont peu à peu poussé en dehors. Pourtant, j'y repense souvent à ce bouquin. Pour un plaisir de lecture plutôt mitigé, c'est un texte qui m'accompagne. Du coup, je sais pas... faudrait peut-être que j'essaye de le relire... ?
En revanche, je suis moins d'accord avec toi, à propos de la fin. Affirmer la nécessité d'un groupe homogène et réduit, calqué en l'occurrence sur la cellule familiale, dans le contexte post-apocalyptique de référence, semble plutôt logique. Je ne vois pas de liens évidents avec les réac'. A mon avis, ça mérite un "apéro fight et exégèse". Tu serais libre à l'occasion ? qu'on n'attende pas Cognac !

Erik Wietzel a dit…

@Jérôme : eh bien comme McCarthy ne choisit pas autre chose que la famille pour transmettre les valeurs positives, les valeurs du Bien -alors que personne, nulle part ne semble pouvoir prendre la relève - je tique méchamment. Et il le faut en appuyant très très fort là-dessus. Du coup, David Van avec Sukwann Island m'a parut beaucoup plus audacieux avec un thème proche - un père et son fils en mode survival. Plus radical. Moins convenu.
On ne va pas attendre Cognac, j'ai hier même noté sur mon carnet : "écrire à Jérôme". Car je ne suis pas à Paris, en fait...