dimanche 27 décembre 2009

Nouvelles d'ailleurs

Frédéric Fontès est un passionné de comics et de thrillers en particulier et de tout ce qui touche à l'imaginaire en général. Vous recommender son blog et le site qu'il co-anime est le moins que je puisse faire.

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Robby Movies vient de publier son regard sur le monde d'Avatar. Et vous pensiez sérieusement qu'il garderait la langue dans sa poche ? Go, Robby, go !

mardi 22 décembre 2009

Avatar, suite

Je viens d'apprendre qu'Avatar est le 1er film d'une trilogie. Ou plutôt sera, si le film est un succès.
Alors, vivement la suite qu'on s'amuse un peu !

lundi 21 décembre 2009

Pocahontas + Danse avec les Loups + Lawrence d'Arabie = Avatar



(attention, spoilers)
Ce n'est sans doute pas pour rien que la promo d'Avatar s'étale sur le soin maniaque qui préside à la création de la faune et de la flore de Pandora. Sur les prouesses technologiques de l'animation numérique. Sur les progrès du ciné 3D. Sur la demi-décennie de préparation et le coût record de sa production.

Pas pour rien que tous, et Cameron en tête, glosent sans fin sur la forme d'Avatar... et sur rien d'autre.

Car l'argument du film est à peu près aussi riche et passionnant et nouveau que celui de La Ferme se rebelle, Miracle sur la 8e, Là-Haut pour le côté "Dégagez les hippies, on a un truc juste super moderne à faire sur votre terrain". Et Pocahontas, Danse avec les loups, Lawrence d'Arabie pour l'aspect "Oh, mais comment elle est trop chouette la Nature par chez vous ! Et si je devenais votre chef militaire, hein, dites, hein, d'accord, d'accord ?"

Ta gueule.

le remix Avatar : Le Vilain Consortium veut exploiter un minerai dont le plus beau filon se trouve pile sous le village des Gentils Autochtones ? Autant dire que ça va chier.
Surtout que notre ami le soldat a décidé in fine de leur venir en aide, aux hommes bleus.

Avec Cameron, la Grande Compagnie est toujours entre de mauvaises mains. Rien de bien nouveau : Aliens, Terminator II, Abyss, voire même l'inconscience mercantile de l'armateur du Titanic sont imprégnés de ce concept.
Seulement le réalisateur-scénariste a pour habitude d'enrichir un peu son propos, de lui adjoindre quelques contrepoints sympathiques. Ici ? Néant.

Reste un film à la mise en scène virtuose, aux scènes jouissives, au puissant parfum de grande aventure - bien niaise, New Age en diable, l'aventure. Ah, et oubliez la musique : James Horner a loupé son grand oral. Si en sortant de la salle vous parvenez à siffler une mélodie, un thème eh bien mettez-vous à l'enseignement musical, vous avez vos chances...

Tout cela serait bel et bon si le film ne véhiculait pas, avec son dénouement, un message nauséeux. Mais après tout, comment s'étonner que seul un ancien Marine puisse sauver de la disparition un peuple étranger à la force de ses biscottos et de naïveté quand, dans notre réalité bien morose, l'actuel président US se voit octroyer un prix Nobel de la Paix avant même d'avoir fait la preuve de quoi que ce soit ?

(bon, c'est pas tout ça, mais je retourne le voir demain ou j'attends mercredi matin, moi ?)

mercredi 16 décembre 2009

Le chirurgien - nouvelle inédite

photo: D.R.


Une nouvelle inédite... Enjoy !

(parue initialement en deux parties sur ce même blog, la voici en intégralité dans le même pos
t)

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Le chirurgien

1

Comme tous les matins depuis trente ans, Saul Irwin se rendit à l’hôpital en taxi.

La voiture jaune longea le cimetière où étaient enterrés les parents du chirurgien et deux de ses oncles.

Sa première épouse reposait à l’autre bout de la ville. La seconde dormait encore dans le grand appartement qui dominait la cité. Il souleva à peine son chapeau, comme s’il le remettait en place.

Saul attendit que le taxi ait dépassé le mur du cimetière pour consulter la messagerie de son téléphone cellulaire. « Le jour se lève et je n’ai cessé de t’aimer de toute la nuit, en chacun de mes rêves. Ton Trésor, à qui tu manques tant ».

Un sourire tira ses traits sévères à la lecture du message et il regarda dans le rétroviseur pour s’assurer que le chauffeur ne l’observait pas.

Quinze minutes après avoir salué le groom de son immeuble, Saul passait les portes de l’hôpital.

– Bonjour Lydia, comment va-t-on aujourd’hui ?

Il n’avait pas enlevé son chapeau et marchait d’un pas alerte. L’infirmière répondit alors qu’il passait devant le guichet :

– Bien professeur, merci. Et vous ?

– Mieux qu’hier et moins bien que demain…

Quelques pas plus loin, une collègue le rejoignit. Ils marchèrent côte à côte. Son chapeau en main Saul dit :

– Vous avez une mine superbe Heloïse.

– Vraiment ?

– Peut-être ne vous voit-on pas assez en salle…

– Nos concitoyens ont moins de phlébites et de varices, ces derniers temps. Je crois qu’ils commencent à écouter nos recommandations.

– Si seulement vous disiez vrai…

– … Nous n’aurions plus de travail.

– Exactement.

Ils se séparèrent à l’entrée d’un couloir. Saul Irwin poussa la porte de son bureau.

Une fois débarrassé de son pardessus il s’assit dans son fauteuil, poussa un bref soupir de sportif et souleva le combiné de son téléphone fixe. Le doigt en l’air, il hésita à composer un numéro. Reposa le combiné et saisit son téléphone cellulaire pour écrire un message.

« T’aime aussi, Tendre Bébé. Si épouse au bridge comme prévu, passe te voir fin de journée dans nid ».

Il lui restait une demi-heure avant d’ouvrir le premier patient. Il s’accorda dix minutes pour lire le journal. Après quoi, il monterait en salle d’opération.


2

Madame Irwin était au bridge. Monsieur Irwin donna au chauffeur une adresse à deux rues du « nid » : on n’est jamais trop prudent. Durant le trajet il se mit à bailler. La journée avait été longue et les interventions plus compliquées que prévues. À une époque il avait aimé ces difficultés, comme on aime les surprises dressées au bord d’une route droite. Aujourd’hui, elles l’ennuyaient. Le journal sur les genoux il somnolait quand le chauffeur le réveilla.

Une fois sur le trottoir, Saul frissonna. Il n’avait jamais aimé ce quartier. De nuit, il était sinistre. Quant à son envie de retrouver Hannah, elle s’était dissipée durant son court sommeil. Le taxi était arrêté au feu, à dix mètres de là. Le chirurgien le rejoignit au trot.

– J’ai changé d’avis, lui dit Saul.

Une demi-heure plus tard, il était dans son bain, écoutant les Variations Goldberg.

Bach l’enchantait. « Mes poèmes mathématiques », souffla-t-il. Son épouse ne serait pas là avant minuit. Talula Irwin détestait Bach et lui préférait Malher. Il était impossible d’écouter Bach lorsqu’elle était là.

Hannah aime bien Bach, quand nous sommes ensemble. Oh ! Hannah…

Il avait oublié de rappeler la jeune femme. Il le lui avait pourtant promis, à l’aide d’un court message, en remontant dans le taxi.

Dès que je sors de l’eau, je lui téléphone.

Saul aimait l’artiste rencontrée lors d’un cocktail. Enfin, il n’aurait su dire si c’était tout à fait de l’amour. Les premières heures de leur relation avaient transformé sa vision de l’existence. Il avait cru quitter Talula et ouvrir une galerie d’art. Puis tout avait très vite repris sa place.

Comme au sortir d’une convalescence réussie.

À présent, Hannah s’intégrait à sa vie tel un membre secret de sa famille. Aussi rassurant que monotone, aussi envahissant parfois. Le sommeil le gagna. Il sortit à temps de son bain pour accueillir, en peignoir, son épouse.


3

Cette nuit-là, le chirurgien fit un cauchemar.

Saul se promenait au milieu d’un champ de fleurs. Il s’en trouvait de toutes les couleurs et de toutes les formes. Elles montaient jusqu’à ses chevilles et aussi loin que son regard portait, elles épanouissaient leurs corolles lumineuses dans un poudroiement de pollen.

Saul sentait confusément qu’il devait se rendre quelque part et qu’il était en retard. Il ne trouvait pas son chemin : il avait beau regarder dans toutes les directions, le paysage était uniment empli de fleurs. Au fur et mesure de ses pas, la panique le gagna. Les plantes montaient de plus en plus haut et bientôt, elles obstruèrent sa vue. Le pollen s’était concentré en une brume et Saul y respira avec difficulté.

Encore quelques minutes et les corolles formèrent une voûte étouffante au-dessus de sa tête. Progresser lui devint aussi difficile que s’il perdait progressivement l’usage de ses jambes. Il entendit un vrombissement et comprit que des abeilles et des bourdons volaient tout près, en nombre croissant. Le vacarme de leurs ailes emplit son crâne tandis que sa gorge s’étrécissait dans l’irritation du pollen. Il chercha de l’air et de la lumière et ne trouva que le vide et l’obscurité.

Le chirurgien s’éveilla en sueur. Il savait que la plupart des cauchemars ont pour fonction de réveiller le rêveur. Il se redressa dans le grand lit. Talula ronflait à ses côtés en lui tournant le dos. Saul se leva et marcha vers les toilettes. Il déglutit et crut que les abeilles et les bourdons de son rêve avaient crevé son larynx d’un millier de dards.


4

Le lendemain de son cauchemar, le chirurgien annula la seconde opération prévue en fin de matinée. Sa gorge était si douloureuse que sa tête lui tournait. Il dut se résoudre à consulter un collègue qu’il avait pris en amitié vingt ans auparavant.

– Tu ne m’avais pas dit que tu t’étais fait retirer les amygdales, lui dit Paul.

– Je ne me suis pas fait retirer les amygdales.

– Si tu crois que je t’en veux pour avoir consulté un concurrent, tu te trompes…

– Je n’ai consulté personne et je n’ai subi aucune intervention.

Ils argumentèrent encore quelques minutes. Puis Saul Irwin dut se rendre à l’évidence : son ami ne plaisantait pas et ses amygdales avaient disparu, proprement sectionnées. S’il ne prenait pas les médicaments nécessaires, il risquait une grave infection.

– Je vais te prescrire un peu de repos. Au moins une semaine. Et une semaine de plus ne serait pas de trop pour que tu retrouves toute ta tête.

– Je n’ai pas perdu la tête. Je ne l’ai jamais perdue.

La seule fois où il se souvenait avoir perdu la raison, c’était aux premières heures de sa relation avec Hannah. Quitter Talula et ouvrir une galerie d’art… Il fallait être fou pour croire cela possible.

– Je prends volontiers cette semaine de repos mais oublie la seconde. Et promets-moi de ne parler à personne des raisons de mon absence.


5

Talula fut aux petits soins pour son époux durant les trois premiers jours. Elle n’en revenait pas qu’il ait décidé cette intervention sans même lui en parler. Saul se défendit d’avoir décidé quoi que ce soit ; mais comme elle le regardait avec un air sceptique, il abandonna. Malgré ses prières, elle raconta à ses amies l’intervention secrète. Le quatrième jour il devint odieux et le soir Talula partit au bridge. Quinze minutes après son départ, la sonnette de l’entrée retentit.

– Hannah ! Que fais-tu ici ?

– Mon Trésor, ta femme t’abandonne alors que tu es convalescent : il faut que quelqu’un prenne le relais, tu ne crois pas ?

Elle tomba le manteau. Dessous, elle était habillée d’une robe de soie très décolletée.

– Tu es folle…

Il aurait voulu lui dire de partir sur le champ. Il sentit le désir monter en lui et en oublia l’inflammation de sa gorge.

Ils firent l’amour en écoutant Bach puis le chirurgien mit l’artiste à la porte en lui faisant promettre de prendre un taxi qui la conduirait au seuil de son appartement.

– Tu t’inquiètes pour moi ? demanda alors Hannah.

– Tu sais très bien que je déteste ce quartier. Un jour il t’arrivera quelque chose…

– Je pourrais m’installer ailleurs mais tu sais que je n’en ai pas les moyens.

– Pourquoi ne cherches-tu pas un autre travail ? demanda-t-il sans conviction.

– Mon métier te plaisait, quand tu m’as trouvée.

Elle ne disait jamais « rencontrée » : Hannah insistait sur l’idée que Saul avait accompli la démarche d’aller vers elle puis de la séduire.

– Tu es une artiste merveilleuse…

– Ça veut dire que tu aimes mon travail ou l’individu derrière ce travail ?

– Allons, allons. Talula va arriver d’un instant à l’autre…

Il sortit de l’argent d’une boîte pour qu’elle paie le taxi mais elle refusa car elle aurait eu l’impression que Saul achetait ces heures de plaisir.

La maîtresse croisa Madame Irwin à l’entrée de l’immeuble devant la présence discrète du groom.


6

Trois semaines après la disparition inexpliquée de ses amygdales, Saul Irwin se rendit au club de billard. Il n’avait rien pour les atmosphères enfumées, mais le club lui rappelait ses années d’étudiant en médecine et ses premiers moments d’indépendance véritable, loin de sa mère.

Il y retrouvait des collègues et des gens moins fréquentables, comme ceux qu’il aurait détesté croiser près du « nid ». Parmi ses collègues, personne ne parlait de l’hôpital ni des patients. Saul gagna trois parties d’affilée. Ce n’est qu’à la quatrième qu’il se plaignit de douleurs dans le bas-ventre. À la sixième, il était si pâle que ses compagnons lui conseillèrent d’arrêter et de rentrer chez lui. Le chirurgien céda à leurs recommandations. Une fois arrivé, il se coucha sur le flanc, plié en deux, hésita avant d’appeler une ambulance.

– Je te rappelle que tu n’as jamais été opéré de l’appendicite, lui dit sa femme.

Saul songea que sa première épouse aurait pu lui faire cette remarque. À la réflexion, sa mère aurait pu la faire, elle aussi.

Vers quatre heures du matin il s’endormit enfin, ivre de fatigue. Il rêva à nouveau de fleurs, de marche éperdue et d’asphyxie. Cette fois, une voix humaine avait remplacé le bourdonnement agressif des insectes. Il s’éveilla pour surprendre son épouse au téléphone avec un service médical d’urgences.

– Raccroche tout de suite, Talula. Je n’ai plus mal.

S’il avait été honnête, il aurait dit : je n’ai plus aussi mal – seulement la nuance n’aurait pas dissuadé Talula d’appeler.

Elle raccrocha, posa la main sur le front de son mari et constata que la fièvre avait baissé. Ses doigts se nouèrent à ceux de Saul et elle prit une profonde inspiration avant de l’interroger :

– Que t’arrive-t-il, en ce moment ? Tu as des soucis particuliers ? Des problèmes au travail ? Tu n’as pas l’air d’aller bien. Pas bien du tout, même…

Saul crut lire derrière l’inquiétude de l’épouse une forme de satisfaction. Une impression si déplaisante qu’il préféra se rendormir que de creuser la question.

Il dut attendre de se trouver torse nu devant le miroir de la salle de bain pour comprendre ce qui lui était arrivé.


7

– Appendicectomie, lui dit Ira, l’un de ses collègues et partenaire de billard.

– C’est impossible.

– C’est pourtant vrai.

– J’ai dû me couper…

– Sans t’en rendre compte ?

Saul eut un vertige. Il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait.

– Réfléchis, reprit Ira. Cherche bien : tu as peut-être des troubles de la mémoire et tu ne te souviens pas de ce qui s’est passé cette dernière semaine.

– Tu étais avec moi au billard. Ça a commencé là. Je n’ai pas eu le temps de subir une ablation de l’appendice durant la nuit, chez moi.

– Et Talula n’est pas diplômée de médecine.

– Talula n’a aucun diplôme.

Ira gratta sa barbe naissante. Il était à la fois perplexe et amusé.

– C’est une belle cicatrice. Tu veux mon avis ? Une seule personne est capable d’un boulot aussi propre.

– Et c’est moi…

– Exactement.

Saul eut la nausée. Il s’était coupé le bas-ventre et il ne fallait pas chercher plus loin. Il s’était coupé sans même s’en rendre compte. Ce n’était pas plus absurde de croire cela que d’imaginer avoir subi une appendicectomie à son insu.


8

S’il passait tous les jours devant le cimetière où reposaient les siens, Saul Irwin y entrait rarement. Il affirmait que les défunts vivaient en lui et qu’il n’avait pas besoin de se pencher au-dessus de stèles pour se rapprocher d’eux. Les défunts ne vivaient pourtant pas plus en lui que dans le cimetière, car Saul ne consacrait à leur souvenir que la minute de taxi matinale.

Le jour où il apprit l’ablation probable de son appendice, il annula toutes les interventions prévues et descendit à pied vers le parc arboré où étaient enterrés ses parents et deux de ses oncles. Il ne chercha pas longtemps à savoir d’où il tenait l’envie de cette visite : la folie et la mort se côtoyaient trop sûrement.

L’endroit était plus plaisant que dans son souvenir. Le désordre des stèles gravées en hébreu, poussant au milieu des herbes, donnait l’impression d’un jardin de fées. La rumeur urbaine était amuïe par le mur d’enceinte, lequel disparaissait derrière des arbres aussi vieux que la ville elle-même.

L’homme ne trouva pas aussitôt les tombes de ses aïeuls. Il les chercha sans impatience, comme s’il craignait que sa mère lui reproche d’avoir attendu tout ce temps pour venir.

En chemin il croisa des religieux. Comme ils semblaient lui jeter un regard désapprobateur il préféra baisser les yeux. Malgré sa bar-mitsva Saul Irwin avait abandonné toute pratique religieuse régulière. Il ne respectait pas le shabbat ni ne mangeait kasher. S’il était croyant, c’était moins pour donner une ligne morale à ses actions que pour ne pas avoir à imaginer le néant après la mort. Josephine, sa première épouse, était catholique. Talula était protestante et Hannah athée, malgré ses origines ashkénazes.

Ses parents avaient été bien différents et ses oncles tout autant. Jusqu’à ce que la mort les emporte ils avaient désapprouvé la vie de Saul.

Alors qu’elle était hospitalisée dans le service de Saul, Sarah Irwin avait refusé que son fils l’opère :

– Tu ne t’es pas occupé de ta mère de toute ton existence égoïste et impie. Pose les mains sur moi et je suis sûre que les portes du paradis me seront à jamais fermées !

– Je te connais maman : tu aurais assez d’énergie pour les ouvrir toute seule.

– Sors d’ici. Je n’ai pas eu besoin de toi pour te mettre au monde ; je me débrouillerai sans toi pour le quitter.

– Je te rappelle qu’on ne meurt pas d’un kyste à la cheville.

– Qui es-tu pour l’affirmer ?

– Un chirurgien diplômé, maman.

– Je n’ai pas besoin d’un diplôme, j’ai besoin d’un fils qui n’aurait pas renié Dieu…

Les imprécations maternelles avaient été si fréquentes et si fortes qu’elles avaient dissuadé Saul d’avoir des enfants. D’une certaine manière, elle avait gagné : l’impiété filiale ne se reproduirait pas.

Il parvint enfin aux tombes. Il ne ressentit rien de particulier et fut presque surpris de ne pas trouver les siens assis en cercle, sourcils froncés, un air de profond reproche sur le visage.

Son téléphone trembla dans une poche, comme un petit animal malade et qui chercherait à sortir de là : Hannah venait aux nouvelles. Elle était la seule, parmi les personnes au secret, à ne pas le prendre pour un fou. Saul lut le message :

Le monde invente plus de mystères que nous n’écrivons de vérités.

Hannah était une artiste. Elle avait beau être athée, ses propos paraissaient au scientifique qu’était Saul aussi irrationnels qu’un miracle biblique.

Pourtant, il ne pouvait échapper à ce qui lui arrivait.

C’est une belle cicatrice, avait commenté Ira. Une seule personne est capable d’un boulot aussi propre.

En un éclair, le chirurgien se souvint qu’il avait opéré une adolescente de l’appendicite, la veille de la partie de billard. Il chercha dans les méandres de sa mémoire les interventions pratiquées avant son réveil douloureux, quelques semaines auparavant. Il crut que le sol se dérobait sous ses pieds quand il comprit avoir retiré les amygdales d’un homme.

Il voulut vérifier ces faits sur son planning, aussi tourna-t-il les talons et quitta à pas pressés le cimetière. Ce n’est qu’une fois l’enceinte de l’hôpital franchie qu’il réalisa n’avoir adressé aucune prière aux siens.


9

L’une des raisons pour lesquelles Saul Irwin aimait Bach était que sa musique ne laissait pas de place au doute. Elle avait une évidence qui convenait au chirurgien, une rigueur qui ne fermait pas la porte à l’émotion mais la tenait à l’écart des cathédrales du pathos. Quand on l’interrogeait sur Bach, Saul rappelait toujours que le musicien avait proscrit toute libre interprétation de ses œuvres : il suffisait de lire les partitions avec la plus grande exactitude pour exprimer ce que le compositeur avait écrit. Le doute n’habitait pas l’œuvre de Bach tout comme il n’avait pas sa place dans la vie de Saul.

Du moins jusqu’à ce jour.

– Bonjour professeur, comment allez-vous ? demanda Lydia au guichet de l’accueil.

Saul tenait son chapeau à la main, il ne répondit pas. Une fois dans son bureau, il consulta son agenda. Amygdalectomie, appendicectomie : les deux opérations y figuraient bien. Il se frotta le front lentement, comme si le doute était une encre qu’il pouvait effacer de la paume.

Un peu plus tard il rendit visite à ses patients. Il avait la tête ailleurs et lui qui d’habitude écoutait les uns et les autres avec attention ne retint rien des plaintes de l’une, des remerciements de l’autre.

C’est alors qu’il achevait ses visites qu’on l’appela pour une urgence. Il aurait hésité à y répondre – et sa position dans la hiérarchie le lui permettait – s’il n’avait pas été le seul chirurgien disponible ce jour-là.

– Alors qu’avons-nous aujourd’hui ? demanda Saul en arrivant au service.

– Blessure par balle, répondit le médecin urgentiste qui avait préparé la victime pour l’intervention.

En un geste réflexe Saul se toucha le bas-ventre. La cicatrice était encore douloureuse, comme pour lui rappeler que rien de tout cela n’était un rêve, qu’il ne pouvait échapper bien longtemps à l’absurde réalité que devenait sa vie.

L’urgentiste le vit grimacer et lui demanda si tout allait bien.

– Autant que possible et sûrement mieux que notre patient.

– Patiente : c’est une femme, la trentaine. Et elle est plutôt séduisante…

Une alarme sonna dans l’esprit du chirurgien et il saisit le dossier. Il tressaillit en découvrant le nom de la blessée.


10

Hannah gisait inanimée au centre de la salle, nue à l’exception d’un drap bleu. Comme elle semblait paisible… Un complexe appareillage la maintenait à la fois endormie et en vie. Saul haletait derrière son masque. L’équipe attendait ses ordres, gênée par l’indécision inhabituelle du chirurgien, et ceux qui le pouvaient s’animaient pour dissiper la tension naissante.

– Nous n’avons pas beaucoup de temps devant nous, lui rappela un assistant.

– Je sais, je sais.

La blessure était mal située et l’hémorragie avait été stoppée in extremis par les urgentistes. La balle était toujours en place, attendant l’agilité du praticien pour quitter la moiteur des chairs. L’extraire demanderait une concentration excessive car elle touchait la colonne vertébrale.

Ainsi le « nid » avait réservé à Hannah le pire des sorts que son amant pût imaginer : des coups de feu, une balle perdue, une innocente voisine.

– Vous la connaissez, n’est-ce pas ? demanda une infirmière.

– Je ne vois pas en quoi cela vous regarde.

– Disons que nous pourrions comprendre votre refus de l’opérer.

– Mais je suis le seul chirurgien disponible, compléta Saul.

– Alors on y va ?

– Tout le monde ici a bien conscience que notre patiente ne pourra peut-être plus remarcher après l’extraction du projectile ?

L’équipe répondit par l’affirmative.

Saul avança d’un pas vers Hannah. Il repensait à son agenda, à ses dernières interventions. Les amygdales et l’appendice. Un dernier pas l’amena au-dessus du corps. Il contempla la plaie comme s’il avait pu y lire l’avenir – le sien. Hannah ne remarcherait sans doute plus. Les bras de Saul restaient immobiles, refusant de se lever pour débuter l’intervention et l’infirmière en chef toussota ostensiblement. Il aimait travailler avec la musique de Bach ; l’équipement de la salle dévolue aux urgences ne le permettait pas.

Le chirurgien prit une profonde inspiration. Il pouvait encore refuser d’opérer. Tourner les talons et quitter la salle. Il s’était toujours considéré comme un homme libre, surtout après la disparition de sa mère. Tous ses choix lui appartenaient et s’il avait dû désigner qui se tenait à la droite de Dieu, il aurait répondu sans hésiter « le libre arbitre ». Saul Irwin avait choisi sa vie, son métier, il avait choisi ses femmes. Il avait choisi sa maîtresse et les rapports qu’il convenait d’entretenir avec elle.

Il se demanda quelle impression cela lui ferait de ne plus pouvoir marcher. Puis il débuta l’intervention.


copyright Erik Wietzel, 2009

samedi 12 décembre 2009

Oil 10 Christmas Machine

Voilà des années que je connais Gilles Rossire, l'homme derrière le projet electro Oi10. On a joué ensemble, j'ai même eu la chance de collaborer à son album Arena sur quelques pistes. Plus qu'un musicien, Mister Rossire est aussi un ami. Du genre deux décennies...

Grâce à lui j'ai découvert les Watchmen d'Alan Moore, James Ivory, Stephen King... Ensemble on a vu La Bête et la bête (Disney), Sammy et Rosie s'envoient en l'air (S.Frears), le Baron de Muchaüsen (T. Gilliam)...

Il est aussi le seul à pouvoir se vanter - ou se plaindre, allez savoir - d'avoir lu à peu près tout ce que j'ai écrit depuis, eh bien depuis toujours. Et à me donner son avis éclairé et jamais complaisant. Damn.
Et tout un tas de choses qui comptent in a man's life.

Cette année, Gilles et Oil10 ont décidé de fêter Noël dignement. Une nouvelle piste pour une compile teintée XMas et le clip qui va bien (réalisé par YDL).

Happy feeling et dancefloor ? Joyeux Noël !!!

Oil 10 : Christmas Machine from Oil 10 on Vimeo.

lundi 7 décembre 2009

Superman : Birthright


Remplacez le Ozymandias des "Watchmen" par le Lex Luthor de "Birthright", et vous obtiendrez un comics sympathique, orienté origins, mais pas très original.
Des preuves ?
Luthor est un super génie capable d'inventer tout et n'importe quoi. Et de se servir de la kriptonite pour monter un hoax grandeur nature...
Dr Manhattan... euh, Superman sera cette fois accusé de provoquer l'Armageddon qui s'abat sur Metropolis.
Moué, déjà lu.
Reste un Clark Kent attachant, en particulier dans ses rapports avec ses parents adoptifs.

Watchmen


Epique, intimiste, émouvant, passionnant, ambitieux, métaphysique, graphique, maîtrisé, si bien joué... "Watchmen" est une réussite.

Loué soit Zack Snyder.



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Ici une review qui en dit mieux et plus.

mardi 1 décembre 2009

Des Garçons épatants


C'est quoi de qui chez qui : Des garçons épatants, Michael Chabon - Pocket

De quoi ça parle : 48h00 dans la vie d'un prof de fac/romancier pendant un festival littéraire. Alors qu'il trime depuis sept ans sur son 4e roman - une sorte de Moby Dick dont il ne sait plus que faire - son éditeur et ami déboule pour assister aux deux journées de festivités que donne l'université du coin.
Déjà qu'écrire c'est pas évident, mais quand en plus on cumule les problèmes affectifs et conjugaux... Epouse en fugue, maîtresse enceinte, étudiante craquante, le tout sous une bonne dose de marijuana : notre narrateur ne traversera pas ces deux jours sans séquelles.

C'est comment : démodé. Suis un peu blasé de ces histoires de profs à la vie sentimentale aussi riche et indigeste qu'un pudding périmé. Quand en plus ils sont accablés du syndrome de la page blanche...

Chabon avait en fait transposé ses propres difficultés à compléter un énorme manuscrit après la parution de son 1er roman, Les Mystères de Pittsburgh, qui fit de lui un "best-seller" immédiat. Son propre agent avait grimacé face à ce projet inachevé de plus de 1000 pages, plongeant Chabon dans des abimes de perplexité. Plutôt que de le terminer, Chabon prit une décision radical : il laissa tomber et se lança dans ces Garçons épatants.
Quelques mois plus tard, l'affaire était dans le sac.
Moi, je m'y suis bien emmerdé, malgré la verve et le style magnifique de cet auteur dont je tiens Les aventures extraordinaires de Kavalier & Clay pour un chef d'oeuvre - publié 5 ans plus tard, il faut dire.
Du coup, j'attends avec impatience la traduction de ses Gentlemen of the road

C'est bien : le style, l'humour

C'est moins bien : *rrrrzzzz*

mercredi 25 novembre 2009

Atchoum !


Alors que la grippe commence à frapper ici et là, je fonce à Paris en fin de semaine au Salon du livre jeunesse de Montreuil. J'y serai vendredi de 19h à 21h, et samedi de 11h à 13h puis de 14h à 16h.
Bouillon de culture garanti - et comme je n'ai pas reçu mon bon de vaccination, je n'embrasserai personne, na !(à Rennes, les deux centres sont saturés. A St-Malo, il est situé dans l'hippodrome. On achève bien les chevaux ?)
Je n'y suis pas retourné, à ce salon, depuis 4 ans - et encore, c'était en touriste. J'en étais revenu avec une gastro. Moi, inquiet ?

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Le vent souffle joliment aujourd'hui. Planches à voile et kytes sont de sortie (photo prise à 14h. A ce moment-là, le soleil décochait ses sourires. A bien changé depuis)
Après avoir salué la mer, je suis retourné à mes travaux d'intense cogitation. Synopsis et révision de plan. Piétinement à tous les étages. Ca se décoincera.
Reste à savoir quand.
Usure de saison
(voir plus bas)

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Toulon ? Un salon bondé, et en ce qui nous concerne, nous autres Bragelonniens, plus fréquentés de curieux que de lecteurs ou d'acheteurs. Damn. Pas de quoi nous empêcher de balancer boulettes de papier et avions véloces entre les allées.
L'occasion aussi de revoir l'excellent Nicolas d'Estienne d'Orves, de rencontrer son collègue des éditions XO : Romain Sardou.
De dire deux, trois âneries en compagnie de Gérard Guéro, de serrer la pince du directeur éditorial de "Soleil" - more to come - de voir un auteur de thriller dédicacer des photos de sa pomme - Sardou.
Un voyage sympathique, d'autant que j'en ai profité pour voir des amis à Paris, mais un peu loin tout de même ; lundi après-midi, je me suis, ahum, assoupi dans un fauteuil à Bragelonne, devant l'écran de mon ordinateur.
(voir plus bas)

mercredi 18 novembre 2009

Silk, Benjamin Button



Silk, de Sakamoto, Benjamin Button, de Desplat.
Deux BO que j'écoute beaucoup depuis des mois et des mois.
Lente, extatique pour Silk.
Souple, onirique pour Button.

Sakamoto, vous connaissez sans doute. La musique de Furyo et du Dernier Empereur, c'est lui.
Il vient du Yellow Magic Orchestra, un groupe d'électro du début des 80's. Après, il a commis des disques tellement orientés World qu'ils finissent par sonner comme de la variété d'ascenseur. Là, c'est de la magie orchestrale de toutes les couleurs.

Desplat est un Français exilé à Hollywood. Il monte, il monte. Il a débuté avec des comédies bien de chez nous. Maintenant, il est dans la Liste A des compositeurs. La crème du top.
Quand il s'agit de films d'action, je le trouve plutôt moyen. Mais il excelle dans le mid-tempo, avec de belles palettes sonores. Comme c'est un grand, on commence à lui reconnaître un style au-delà de sa faculté à s'adapter aux demandes d'un réalisateur et d'un producteur (les deux interlocuteurs incontournables d'un compositeur hollywoodien)

Ces deux BO sont idéales pour bosser dans une ambiance forte et rêveuse, sans lassitude. Y a bon.

dimanche 15 novembre 2009

Dédicaces à Toulon les 21 et 22 novembre


Je serai présent les 21 et 22 novembre à Toulon pour la Fête du Livre.
Et je compte bien sur vous pour passer nous voir, moi et mes copains de Bragelonne et de la Ligue.

samedi 14 novembre 2009

Un boulet, des casseroles, Coraline... et bientôt le Sud


Je traîne la patte, là, depuis le retour de Brive. Emma W. me donne du fil à retordre. En fait, j'ai perdu un peu de son humeur à la donzelle. De sa faconde, de sa colère adolescente. Les coupures, comme ces we de dédicaces, ça n'aide pas. Même si elles sont sympathiques, surtout si elles le sont.

L'impression d'avoir un boulet, de tirer dessus en geignant tout ce que je sais. Dans une semaine, je remets ça, les salons je veux dire. Et pas à côté : Toulon. Au moins trois jours sans écrire. Avec tout ce que j'ai sur le feu, je crains que ça ne déborde de la casserole.

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Vu Coraline, d'après le roman de Neil Gaiman.
Plutôt réussi, même si Selick ne retrouve guère l'atmosphère inquiétante, et presque horrifique sur la fin, du court roman " jeunesse " de Gaiman. En revanche, j'ai cru me voir dans le personnage du père : toujours sur le PC, jamais assez de temps avec sa fille.
L'animation est très belle et la direction artistique vaut le détour - bien que, une fois encore, elle passe à côté de l'ambiance en gris et ocre du bouquin et réserve deux ou trois scènes plutôt laides.

mercredi 11 novembre 2009

Brive, la Foire


Brive, c'était bien, c'était vachement bien.

Comme Anne, Leslie, Pierre et moi sommes de fichus bavards autant dire que ça a causé beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mangé ? Bah, pas le choix. Et dès 10h du matin, dans le "train des auteurs". Arrosé de Haute-Côte de Beaune. D'apéritif à la pêche ou à la figue. De digestif. Quand le train entre en gare, on ne sait pas bien si on est à Brive, mais on est certain d'être à point. Si vous voyez ce que je veux dire.

Et puis champagne à gogo chaque soir, rincés par la maison Maillard et ses dégustations à l'étage VIP. Les bonnes adresses resto : les Arums et le Chapon fin. Générosité de l'assiette, accueil itou.

Signatures ? Après tout, on était là pour ça, hein... Ca a bien marché, même si un ancien président battait le record de dédicaces en une heure de présence. Nous, on avait nos lecteurs fidèles, parmi lesquels David et son épouse (pourquoi je ne connais pas son prénom ?), mais aussi les curieux prêts à se lancer dans une aventure mediévale-fantastique, avec des morceaux de dragons dedans.

Et puis il y a eu la boîte de nuit. Les trémoussements furieux sur je ne sais trop quoi et un peu de tout. On n'a plus vingt ans. C'est pas le tout de le dire. Pourtant, nous étions tous fidèles au poste dimanche matin.

Un merci tout spécial à Yoann et Leslie qui se sont battus pour que mon dernier livre, les Dragons de la Cité rouge, soit sur le stand samedi - il n'était hélas pas disponible le vendredi.

jeudi 5 novembre 2009

Tempête et fantômes


Tempête d'automne.
Début de soirée. Il pleut depuis une heure. Le vent de nord-ouest cache dans son souffle le hurlement des marins fantômes. Mais nous, on rigole. On a nos protections, amulettes et sortilèges. On s'en sortira - pour cette fois.



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Direction Paris.
Rendez-vous professionnels. Du nouveau à venir, mais chut ! Vous n'en saurez pas plus avant janvier.
Demain, nous serons donc dans le fameux "train du cholestérol"(Denis Tillinac). Enviez-nous : repas gastronomique et copieux à bord, servi à la place. Un menu long comme la rame. Des saveurs sud-ouest pour oublier la fraîcheur nord-ouest.
Le gratin de l'édition - comprendre St-Germain-des-Prés - sera de sortie. Ca va se battre pour réserver les places à côté des amis, jambes en travers et jets de manteaux.
- Ah non, désolé, c'est pris.
- Mais les huit sièges ?!
- Euh... (sourire arrogant:) Eh bien oui !
Tout ce petit monde sortira du wagon, sonné par le vin et le confit, à 14h.
Si vous voulez mon avis, les premières dédicaces sentiront le, ahum, Sud. *burp*
Plus qu'à espérer que nous saurons nous tenir face à vous, chers lecteurs !

lundi 2 novembre 2009

à Brive les 6, 7 et 8 novembre

Je serai à la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde, en compagnie d'Anne, Guéro, Pierre Pevel, Henri Loevenbruck, Olivier Descosse et quelques autres membres de la Ligue de l'Imaginaire, les 6, 7 et 8 novembre. Un grand, gros, gras rendez-vous. On y mange beaucoup. On y signe beaucoup. On s'y amuse beaucoup. Venez-y beaucoup !

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Gros soucis informatiques depuis 2 jours. Je voulais écrire les chroniques de mes dernières lectures, il faudra patienter un peu. Car je prends du retard dans la rédaction de mon prochain Bragelonne, et d'autres projets sonnent déjà à la porte.
J'espère donc pouvoir vous parler bientôt de
Jessie (Stephen King), de Vous descendez (Nick Hornby), de Pseudo (Emile Ajar).

vendredi 30 octobre 2009

Elbakin.net parle des Dragons de la cité rouge


Voilà une nouvelle et super positive chronique sur Elbakin.net. Du lourd...

"La force de ce livre tient plutôt en l'utilisation harmonieuse de différents éléments déjà abondamment traités par le genre pour en faire un récit à suspense jusqu'au bout."

"Le constat global est des plus positifs et permet au lecteur qui ne souhaite pas partir dans des histoires trop longues et trop complexes de se faire plaisir en lisant un livre des plus réussis dans son genre."

Pas mal, non ?

jeudi 29 octobre 2009

St-Etienne sur le blog de Bragelonne


Voilà quelques zimages de St-Etienne où c'est qu'on était zheureux. Et le compte-rendu qui va avec. Yop.

(Précision utile : cette image a été prise à notre arrivée. Le lendemain, les piles de livres avaient quasiment disparu. Nous aussi, d'ailleurs)

mardi 27 octobre 2009

Back to the future...

Allo Maï-Taï ?
St-Etienne, donc, pour deux journées de dédicaces.
Samedi soir : Geoffroi-Guichard n’a pas vu la victoire de son équipe, mais elle avait Fabrice Colin dans les gradins. On ne peut pas tout avoir.
Rattraper le coup ? Fiesta !
Sous la pluie, à l’abri des parasols de l’Hôtel Golf qui n’avaient pas dû voir tant d’eau depuis qu’on les avait sortis cet été. D’ailleurs l’eau ils n’ont pas trop aimé. On les comprend. Nos cocktails maï-taï s’en sont trouvés allongés.
Ensuite, vadrouille dans St-Etienne à la recherche d’un lieu de débauche communément appelé bar, en compagnie de notre attachée de presse Leslie, de Fabrice C. et de son acolyte et néanmoins autochtone : Sylvain. Quelques crises de fou rire plus tard on retrouvait l’hôtel, légèrement fatigués.
Dimanche midi : déjeuner au soleil. Douceur et bronzette rapide. Vous avez sûrement eu le même, par chez vous. C’était bien, non ?
Dimanche soir : enfin un peu de temps auprès de ma Belle. Ils sont trop rares, ces moments.


Merci donc à Sylvain qui a supporté de bon cœur nos réflexions embrumées sur sa conduite et nous a entraînés dans les rues animés – si – de St-Etienne passé minuit. Suffit de les connaître, ces rues…
Merci à Elodie P. pour les sticks – je les ai achevés dans le train du retour.
Merci à toute l’équipe de la Fnac : on a passé un joli moment sur le stand, sans parler du champagne et du chocolat à gogo.


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Paris est toujours synonyme de visite longue durée chez Bragelonne, de déjeuner avec mon éditeur.
Ça tombe bien, j’adore ça.
De bonnes nouvelles en perspective. Je ne peux pas en parler, là, tout de suite maintenant, car rien n’est définitif – je sais, c’est énervant et je ferais mieux de me taire, mais voilà, je ne peux pas m’empêcher de vous titiller.
Bon à savoir tout de même : la nouvelle voix de ma narratrice plaît autant à mon éditeur qu’à moi. L’expédition vers le sommet va donc pouvoir reprendre.
Je vais modifier des parties entières du synopsis.
Eh oui.
On imagine mal la souplesse requise chez un écrivain. Nadia Comanecci des lettres.
Donc, les prochaines étapes : écrire encore quelques pages avec ma Emma N°2, la mettre en scène durant une ou deux scènes supplémentaires. Puis m’attaquer au synopsis, très rapidement, pour une seconde mouture. Bien sûr, les fondements de l’histoire restent les mêmes. Et la romance demeure au premier plan.


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A Paris, j’aurais aussi déjeuné avec Henri L., que je n’avais pas vu depuis un bon bout de temps. Trop long, ce bout de temps, si voulez mon avis. Sa bonne humeur, son enthousiasme débordaient sur toute la terrasse. Ensuite, et en sa compagnie, direction Sébastien D., réalisateur et technicien d’effets spéciaux. L’occasion de discuter du génial et injustement décrié, raillé, mésestimé Alexandre, d’Oliver Stone : Sébastien avait travaillé sur ce projet de titan, accompagnant de longs mois durant le tournage.
J’étais heureux de pouvoir dire tout le bien que je pense du film à l’un de ses créateurs. Content aussi de jeter un œil sur le trailer qu’il concocte avec Henri.
Maintenant, retour un peu triste à Rennes. Ma fille ne sera pas là, ma Douce vit et travaille bien loin de moi, les copains sont en vadrouille…
Probable que j’aille du côté de St-Malo voir à quoi ressemble la mer en octobre.

dimanche 25 octobre 2009

Back on tracks

Moins cent mille, certes, mais déjà beaucoup de pages reprises.
Surtout, le sentiment d'avoir trouvé le ton, la voix de mon personnage. Il aura fallu descendre à l'abri des tentes. Seulement je suis prêt à reprendre l'ascension dans de meilleures conditions.
Sérieusement, je suis content de ce que j'ai réécrit comme je ne l'ai pas été depuis longtemps.
Les mots viennent tout seul, les émotions aussi.
Sur le coup, oui, ça fait un peu mal, mais ça reviendrait à prendre la route avec un véhicule bringuebalant, faire demi-tour pour repartir au volant d'une voiture sans défaut d'usine.

vendredi 23 octobre 2009

Salon du livre de St Etienne

Ce we, destination St-Etienne, pour le salon du livre.
Je serai avec Franck Thilliez, Henri Loevenbruck et Pierre Pevel, entre autre potes.

jeudi 22 octobre 2009

moins 100 000

Eh bien oui en fait, le camp de base souffre un peu de conditions climatiques, hum, déplorables. Afin de mieux préparer l'ascension complète du Roman, notre cordée et moi avons décidé de redescendre au point de départ, via le col de la Corbeille.

mardi 20 octobre 2009

100 000

Voilà, la barre des 100 000 signes est atteinte (18 000 mots ou environ 1/5 du roman. Ne me demandez l'équivalent en grammes ou en watts ou en smarties. C'est ma fille qui est collège, je le rappelle, pas moi).
Comme je le disais un peu plus tôt, ces 100 000 signes marquent une étape toujours un peu particulière pour moi.
J'y arrive assez vite.
Je fête ce petit événement en poussant un soupir de soulagement, comme un sportif qui reprendrait l'entraînement après un hiver passé à regarder des K7 de compètes passées et constaterait, oh joie, qu'il a encore des jambes.
Ca vaut bien de lever le coude - Redbull, Gatorade, coteaux de Layon - on garde le champagne pour la fin ou les we chez ma mère.
Je pousse encore un peu la rédaction parce que tout près s'agitent les démons qui vont mettre le feu aux poudres et lancer l'intrigue proprement dite.
Et je vais m'arrêter.
Je ne sais pas trop ce que donnent ces pages et je m'inquiète. Sans trop m'avancer je peux dire que j'ai trouvé la voix de la narratrice. Il faudra lisser bien sûr, car sa voix, elle se l'est chauffée sur scène plutôt qu'en coulisses et je vais devoir rattraper le coup pour les 10 premières pages.
Du nanan.
Mais c'est vrai, je m'inquiète.
Car pour le moment, et à ma grande surprise, la partie romance prend le dessus - je crois ; après tout, je manque un peu de recul. Et je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, ni que ce soit réussi.
Je vais donc passer ces premières pages à mon éditeur, histoire de m'assurer que je ne fais pas fausse route.
S'il les valide, alors je partirai droit devant et il ne lira plus rien avant que j'aie achevé le 1er jet et sa révision.
Mais pour le moment, oui, je m'inquiète.

dimanche 18 octobre 2009

Conseils en écriture : Palahniuk



Dans la série "Oh mon Dieu, j'aimerais tant écrire un roman mais je sais pas trop comment m'y prendre", Chuck Palahniuk nous délivre la bonne parole en 13 points.

C'est qui d'abord Palahniuk ?
L'auteur de Fight Club.
Ses romans sont bizarres, chargés de violence factuelle et de sexualité pas toujours joyeuse. Des missiles sophistiqués contre notre société.
Pas vraiment ce que vous comptiez écrire, pas vrai ? Pourtant, ses conseils sont pleins de bon sens et adaptés à tout type de fiction.
Notre Palahniuk a fréquenté les ateliers d'écriture. Et il en propose un en ligne, c'est dire si la pédagogie l'intéresse.
D'accord, tout ça est en anglais.
Mais rien de bien compliqué en ce qui concerne ces 13 conseils.

photo : copyright Chris Saunders

samedi 17 octobre 2009

La Cité d'Embre


Vu City of Ember avec ma fille.

Pour sauver l'humanité (?) des bâtisseurs ont construit une ville souterraine. Deux cents cinquante ans plus tard, ses habitants ont oublié qu'ils devaient remonter à la surface quelques décennies auparavant. Seule une toute petite poignée de citoyens s'y est essayée naguère, à l'encontre des autorités.
Pendant ce temps, le générateur qui fournit la ville en électricité - et donc en lumière - montre des signes de fatigue de plus en plus fréquents, de plus en plus longs.
Et la nourriture, des conserves, vient à manquer...
Quant au pouvoir politique, c'est propagande, magouille et compagnie...
Autant dire que ça sent le sapin.

L'atmosphère oppressante est très réussie pendant toute une 1ère partie joliment rythmée. Elle vient en contrepoint à l'ambiance bon enfant de la cité (on est dans un film tout public, tiré d'un roman pour la jeunesse), son organisation système D, son décorum kitsch, sa foi paralysante en les bâtisseurs élevés au rang de dieux qui ne tarderaient pas à venir sauver tout ce petit monde (sous-entendu : ben pas la peine de se casser le cul à trouver des solutions, le Très-Haut veille sur nous).

On sourit, on chante, on rigole à Ember.
Mais c'est tendu, tendu, tendu.

Combien de temps vont durer les plongées dans le noir absolu ? Quand le générateur tombera-t-il en panne ? Demain ? Tout à l'heure ?
Quel est ce secret contenu dans une valise aujourd'hui oubliée, et que les maires se passaient d'un mandat à l'autre ?
Le dernier tiers est une classique aventure d'évasion, menée par deux ados et une petite fille (Beaudelaire's Orphans, anyone ?).

Un chouette moment passé à côté de ma fille.
Mais c'est marrant comme les enfants ont du mal avec les fins ouvertes, les questions laissées sans réponses.
C'est marrant comme ça me pose aussi un problème.

jeudi 15 octobre 2009

Déjà le sommet ?


Si tout va bien, ce we je devrais être arrivé à un quart/un cinquième du roman.
Déjà ?!
Oui, déjà.
Mais - vous pouvez le lire en capitales ou l'entendre diffusé par un haut-parleur de la taille de l'Arc de Triomphe, encore que côté triomphe on en soit loin. Donc :
MAIS !
1/Ce devrait un roman plus court que mes précédents. Les Dragons de la cité rouge "pèse" 600 000 signes, environ. Celui-là devrait tourner aux alentours de 400 ou 500 000 signes.
2/100 000 signes marque une étape importante. Le genre camp de base, celui où tout le monde s'arrête en attendant que le col se dégage, que les conditions soient meilleures. En somme, qu'on y voie plus clair. Si comme moi vous êtes un habitué des documentaires "Comment je suis presque mort à deux pas du sommet - mais je n'ai perdu que mes orteils", vous savez qu'on peut y passer un bon bout de temps, au camp de base.
3/Je vais pas mal me déplacer pour des signatures. Les semaines vont être sévèrement grignotées. Surtout que jusqu'à présent, je n'ai pas fait preuve d'une grande assiduité en déplacement, question écriture.

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Comme je suis un garçon qui donne dans la mesure, la subtilité et la nuance, en général quand je me lance dans un roman j'estime écrire ce que j'ai fait de meilleur jusque là. Vraiment de meilleur. Un genre d'étape importante, vous voyez. Normal: l'expérience, le temps consacré à la préparation... Fini le temps de la marelle, quoi.
Cette exaltante certitude dure une journée ou deux.
Le lendemain, je suis persuadé de rédiger une belle grosse merde. La pire de toutes: vous marchez dedans et c'est une demi-heure accroupi au-dessus de la bassine pour sauver ce qui peut l'être encore.
Mesure, nuance, subtilité. Je vous avais prévenus.



Ah, et ne me demandez pas mon état d'esprit, ce soir.

mardi 13 octobre 2009

Des noms de personnages

Comment je choisis mes noms ? Le plus souvent à la sonorité. De temps en temps pour le clin d'oeil. Ils ne sont pas toujours définitifs. Même les héros ont la carte d'identité mouvante, avec moi ! Il m'arrive de jouer du recherche-remplace à la moitié du manuscrit.
Peu importe : il faut que les noms sonnent juste à mes oreilles. L'impatience d'avancer dans l'histoire me fait donc parfois retarder la décision.
Mais il arrive aussi que l'évolution des personnages, ce qu'ils m'apportent d'une péripétie à l'autre, de répliques en réparties, dictent un autre choix que le baptême originel.

Le prochain roman, celui dont je vous parle là, depuis quelques jours, sera publié chez Bragelonne.
C'est une telle évidence que j'ai omis de le préciser !

dimanche 11 octobre 2009

Du défi

Ecrire un roman est l'occasion de laisser aller mon imagination, de vivre des mois durant aux côtés de mes personnages, de partager leurs péripéties, leurs joies, leurs angoisses. Je peux partir d'une idée d'histoire, d'un décor, de personnages dont j'entrevoie les relations et que je voudrais pousser dans leurs derniers retranchements. Ou tout cela à la fois.
Le plus important est que l'envie soit là.

Et puis, il y a mes challenges personnels. Ils permettent de renouveler l'envie, justement, en plaçant la barre sinon plus haut, du moins ailleurs.

A chaque roman son défi particulier.

Pour La Porte des Limbes, il s’agissait de mettre à profit mes connaissances sur la peinture symboliste du XIXe et de conserver l’univers d’un jeu de rôle, Néphilim et plus particulièrement son extension Selenim, dans la narration.

Avec l’Ile aux Soupirs, une suite non publiée de la Porte des Limbes, je voulais rapprocher le contexte de Saint-Malo et des légendes maritimes tout renouvelant l’intérêt autour de personnages rencontrés dans l’opus précédent ; le principe de la série, en somme.

Karma Girl, un roman noir écrit avant ces deux là mais publié après, me permettait d’essayer une voix féminine (la narratrice a 17 ans), dans une narration très nerveuse, conclue par un twist.

Dans Le Cycle d’Elamia je tentai le roman choral, comme on dit, avec Rupture dans le réel de Peter Hamilton dans le collimateur : faire parler les protagonistes les plus insignifiants et pas seulement les héros. Multiplier les points de vue, pour rendre compte des bouleversements de tout un monde depuis toutes les échelles.

Le Gemmell d’Etoile du matin et de Waylander m’a inspiré les aventures d’Alec Deraan : Les Dragons de la Cité rouge se veut un roman compact, dans lequel chaque chapitre est tendu par ses scènes d’action. Ses héros ne sont pas du genre à se poser beaucoup de questions : le monde dans lequel ils évoluent ou survivent ne le leur en laisse pas l’occasion. Autre challenge : faire tenir l’histoire en un volume et donc ne pas multiplier les points de vue, une de mes tendances naturelles. Ah, et je me suis aussi interdit de m’arrêter plus de 48h00 en cas de problème avec l’intrigue. Ce qui signifie revenir en arrière pour simplifier les événements ou les nœuds dramatiques.

Pour le roman que je suis en train d’écrire, je me mets au défi de développer une intrigue sentimentale. Cette fois, elle doit être sur le devant de la scène. On verra si j’y parviens ou si elle se rétracte et file en arrière-plan, dans les coulisses.
Il s’agit d’un amour impossible, comme dans la plupart de mes romans, ainsi que je l’ai eu constaté le jour où j’ai fait le « bilan sentimental » de mes personnages principaux - sans commentaire, s'il vous plaît. Non mais...

vendredi 9 octobre 2009

Go !

C’est parti.

Après quelques synopsis plus ou moins aboutis et jamais convaincants, j’ai enfin trouvé de quoi m’amuser. Aujourd’hui je me lance dans la rédaction à proprement parler de mon prochain roman.

Quelque chose de rapide et rythmé. On y trouvera son pesant d’émotions aussi. Roméo et Juliette sont passés par là.

Voilà longtemps que je voulais recoller au XXe siècle. Oh, pardon : au XXIe. A l’exception d’une parenthèse j’ai passé ces dernières années à dos de dragon, avec des armures plus ou moins confortables sur le dos. J’ai adoré ça mais le grand air ça fatigue et je vais ranger mon épée si vous voulez bien.

Je me sens comme un gosse.

Le surnaturel, le fantastique et l’étrange restent mes terrains de jeux favoris – qui voudrait laisser son gamin jouer avec ses figurines sur le sol d’une usine ? – ce sera une aventure de fantasy urbaine. Avec des crocs dedans.

Le plus amusant sera de me mettre dans les pensées d’une jeune femme et de parler à la 1ère personne. Ça ne me fait pas peur. J’ai déjà écrit deux romans sur ce mode-là ; l’un a été publié il y a presque, mon Dieu, dix ans de cela. L’autre, je l’ai terminé l’an dernier.

Le plus difficile sera, comme toujours, de faire tenir l’histoire debout sans qu’on voie les béquilles, les ficelles, les échafaudages.

Emma W.

Elle a un charme dingue.

Je l’aime déjà.

lundi 5 octobre 2009

Norrell vs Doyle


A propos de Jonathan Strange & Mr Norrell, il a été dit ici et là combien ce roman faisait un portrait précis, voire inégalé, d'une certaine Angleterre du XIXe siècle. Une Angleterre magique, au sommet de son influence.
Mais je ne cesse de penser, depuis que je l'ai achevé, au roman de Tim Powers, Les Voies d'Anubis. Il se déroule à la même époque, au même endroit. Il y est question de phénomènes surnaturels, de Byron, de la couronne d'Angleterre.
Le style n'est pas aussi appuyé que celui de Clarke.
Et il s'y passe mille fois plus de choses.
Enfin tout de même, comment ne pas rapprocher les deux romans ?
Si vous avez lu les deux, je suis curieux de lire ici votre avis.

dimanche 4 octobre 2009

Jonathan Strange & Mr Norrell


C’est quoi, de qui, chez qui ?

Jonathan Strange & Mr Norrell, de Susanna Clarke - Robert Laffont ; Livre de Poche



De quoi ça parle ?
Roman historique, comédie de mœurs, fantasy dix-neuvièmiste, roman d’apprentissage, récit d’une amitié, tableau d’un royaume à son zénith… Comment résumer ces 1200 pages ?

Je me lance (et tant pis pour les spoiler, vous êtes prévenus)

Début du XVIIIe siècle, en Angleterre. La magie a disparu du royaume depuis 300 ans et les guerres napoléoniennes battent leur plein.

Soudain se manifeste un magicien.

Un authentique magicien, et non l’un de ces innombrables universitaires qui se contentent de théoriser sans fin, le nez dans leur livre. Il s’appelle Norrell. Oh, il n’est pas très différent de ses « collègues » : un vieux garçon aux allures de rat de bibliothèque. Capable de pérorer pendant des heures, digressions comprises, sur l’authenticité de tel ou tel incunable.

Mais Norrell, lui, il pratique.

Et la magie de réapparaître avec pour seul et unique représentant, ce pâlichon Norrell que son domestique et conseiller, Childermass, va pousser vers Londres, vers le pouvoir.

Norrell travaille dès lors pour le gouvernement d’Angleterre et soutient, à l’aide de ses tours magistraux, l’effort de guerre.

Et ça marche plutôt bien !

Mais la magie ne fait pas que des heureux. L’ambition de Norrell l’a conduit à ramener d’entre les morts l’épouse d’un puissant ministre. Pour réaliser ce tour de force, il a invoqué une fée – un homme-fée, pour être exact. Lequel demande en échange de ce service que ladite épouse rejoigne toutes les nuits son royaume parallèle où elle sera condamnée, des années durant, à danser lors de sinistres bals célébrant massacres et coups de folies.


Malgré un pacte léonin passé entre Norrell et ses « collègues » d’Angleterre – ils abandonnent tout effort de recherche sur la question, sans même parler de s’y adonner un jour – apparaît un second magicien : Jonathan Strange. Cette fois, il s’agit d’un jeune aristocrate désœuvré, presque écervelé, sans passion. Un noble provincial et campagnard. Un « hasard » a mis la magie sur son chemin et Strange s’avère doué. Très doué.

A son tour de rejoindre Londres.

Sa rencontre avec Norrell est décisive pour les deux hommes. Contre toute attente, Norrell, ce barbon glacial, se prend d’amitié pour le jeune homme. Il va même jusqu’à lui ouvrir sa bibliothèque. Les progrès rapides de Strange intéressent au plus haut point le gouvernement, toujours aux prises avec la puissance napoléonienne. Le jeune prodige fait moins d’histoire que son aîné pour gagner le front. Aux côtés de Wellington, Strange accumule au cours de plusieurs années de conflit l’expérience et il multiplie les victoires.

L’heure est bientôt venue de rentrer en Angleterre. Mais le fougueux héritier acceptera-t-il de vivre sous la coupe – bienveillante mais un peu moisie – de Norrell ?

Pendant ce temps, le gentleman féérique ne s’est pas contenté de ravir, toutes les nuits, l’épouse d’un ministre : il s’en prend aussi à Stephen Black, un domestique noir qu’il trouve si raffiné, si élégant et si bon danseur qu’il décide d’en faire le roi d’Angleterre.

Ne reste plus qu’à supprimer l’actuelle tête couronnée…


C’est comment ?

D’une certaine manière, Strange & Norrell est un livre de la frustration. Celle du lecteur. Les événements tardent à se réaliser, l’attente est parfois si longue que leur réalisation déçoit. Les confrontations annoncées, anticipées avec gourmandise, peuvent se solder par un échange poli, empreint de ce flegme, de cette distance que Clarke a voulu mettre en scène dans ce long roman en forme de comédie de mœurs : l’éternel britannique, ce qui constitue l’identité de cette île à l’époque où elle était si sûre d’elle-même, centre du monde occidental que lui contestait l’empereur français.

Frustration encore, avec l’attente du retour de John Uskglass, le roi-corbeau, roi-magicien médiéval, maître du Nord de l’Angleterre et plus puissant enchanteur que la terre ait porté. Quand elle narre sa naissance et sa vie, Clarke en écrit des pages si belles et si lugubres qu’on espère beaucoup de son rétablissement sur le trône. Trop ?

S’il y a du spectaculaire dans ses pages, il se mérite. D’autant plus que nombre de ses témoins ne se départissent jamais de ce flegme, lequel rend toute manifestation magique sinon banale du moins contrariante. Comme un salon dérangé après le passage des invités ou un bref vertige en quittant le pub.

Qui plus est, Clarke tarde à rendre sympathique ses deux magiciens. Norrell est sentencieux, prétentieux et a un presse-papier à la place du cœur. Strange ? C’est un oisif qui ne sait pas apprécier son épouse à sa juste valeur et la modestie n’est pas son fort. Quant à la ménagerie de cour qui les entoure, elle ne donne guère envie de passer plus de cinq minutes à boire le thé en sa compagnie - et encore, si les scones sont bons.

C’est que toute la sympathie de Clarke va aux petites gens. Aux domestiques, aux mendiants, à ce monde oublié, méprisé des grands qui écrivent l’Histoire mais sans l’aide desquels ils seraient en vérité bien en peine d’en changer une ligne.

Ainsi Childermass, le conseiller et domestique de Norrell, presque un mentor qui ne sera jamais reconnu pour ce qu’il est vraiment.

Ainsi Stephen Black, le fils d’esclave africain, prisonnier du cruel et insane homme-fée. Son ensorcellement, sa rétention nocturne sous la forme d’homme-objet est la métaphore à peine voilée de sa condition d’homme de couleur en Angleterre.

Si le début du roman explore la vanité que trouve le petit personnel à servir des êtres parfois ignobles dans leur mépris, et en arrivent alors à leur ressembler, il s’en éloigne bientôt pour leur offrir de plus beaux rôles.

Impossible d’évoquer le livre sans un mot sur le style : celui d’une autre époque, sans doute celle de Jane Austen, l’auteur anglaise dont Clarke clame son admiration.

Les visions foisonnent, les moments de grâce abondent.

Son Angleterre est celle de la pluie et des frimas, du brouillard et de la neige. Même la chaleur de son Portugal – Strange s’y bat auprès de Wellington – peine à nous réchauffer. Mais tous ces paysages, dont Clarke est à l’évidence amoureuse, sont animés par le souffle discret de la magie.

Omniprésent, l’humour – un humour distancié, un brin moqueur – teinte les péripéties, les portraits.

Enfin, les notes de bas-de-page, copieuses, sont un régal quand elles reprennent par le détail telle ou telle manifestation surnaturelle évoquée dans le corps du texte.

Clarke a mis, dit-elle, dix ans à écrire « Strange & Norrell ».

La richesse de son roman est telle que je la crois volontiers.


En résumé :

c’est moins bien : beaucoup d’attente. Quelques frustrations, en particulier concernant le personnage dont l’ombre magistrale domine un tiers du roman : John Uskglass. Parfois décousu.


c’est bien : magnifiquement écrit. Le foisonnement de visions, de péripéties. Les portraits. L’enjeu même du roman : le retour de la magie en Angleterre, au XIXe siècle.

Un chef d' oeuvre.

vendredi 2 octobre 2009

Compas et portulans ?


Voilà plusieurs mois que je n’ai pas écrit.

Pas écrit de roman.

Les synopsis s’alignent. En fait, j’en ai un par mois écoulé depuis que j’ai terminé un drôle de roman « jeunesse ». Ou qui devrait l’être, je n’en sais trop rien.

Sans doute l’un des textes que j’ai eu le plus de plaisir à écrire, où j’ai trouvé mon compte en chacune des lignes. Où il était question de deuil, du libre-arbitre, du nécessaire renoncement aux décisions que les parents ont prises pour vous.

Du tout aussi nécessaire engagement dans les choix personnels, à l’heure de franchir les derniers feux de l’adolescence.

De la responsabilité, quoi.

Oh, ces thèmes composaient le fond du roman ; pour le reste, ce qui s’agite en surface et donne les couleurs, les mouvements, c’était des péripéties un peu folles, teintées d’amour, sur le ton du réalisme magique : partir en quête d’un cercueil d’un type très spécial, à l’autre bout du pays. Dans une sorte d’Hollywood où œuvrerait encore, dit-on, un illusionniste prestigieux. Le genre à pouvoir fabriquer ledit cercueil.

Un court roman.

Des lecteurs bien intentionnés m’en ont dit assez de mal pour que j’arrive à le corriger et à y insuffler, je crois, cette part d’émotion que je lui refusais – comme si j’avais peur que l’histoire parle un peu trop de moi et pas assez du héros. Comme si j’avais peur que ça se voie. Ils m’en ont aussi dit assez de bien pour que je croie à la nécessité de lui donner sa chance.

Enfin... de me la donner.

Alors, je l’ai envoyé. Il flotte ici et là, sans grand signe de vie.

Depuis, j’aligne les projets. Synopsis, résumés, plans détaillés… Rien d’assez folichon pour convaincre mon éditeur ou me convaincre moi-même.

Les semaines passent.

Non pas « rien à l’horizon », mais plutôt des armadas formidables aux voiles tissées d’or, aux étraves serties d’émeraudes. Mais que je m’approche et alors ce ne sont plus qu’esquifs croulants sous les brimborions, les bimbeloteries. Les voiles baillent sous un vent de soupirs.

Bientôt ce sera pétole.

Bref, ça fleure moins les Grandes Découvertes que le suint de radoub.

Redresser la barre, border les voiles, toutes, y compris ce petit hunier de rien qui pourrait bien faire la différence.

Et surtout, connaître sa destination.

A quoi sert d’écouter le vent, lire la mer, vaincre les courants si on ne sait où l’on va ?

Ce soir, je quitte le gaillard d’arrière, je descends en cabine et j’ouvre le coffre des cartes.

On verra bien qui, du capitaine ou de son indécision, aura le dernier mot.

Strange & Norrell... at last


Je viens de terminer ce livre, cet excellent livre.
Il m'aura fallu quelques mois pour en venir à bout. Je ne l'ai pas dévoré, je l'ai goûté.
Et des romans, j'en ai lu d'autres entre temps, parce que bon, Strange & Norrell c'est du lourd...

Mais je l'ai terminé.

N'étant pas un gros lecteur, et me fichant pas mal d'abandonner un livre quand celui-ci ne me plaît pas, c'est plutôt bon signe.
1100 pages assez denses, très écrites...Et ça n'est pas Les Piliers de la Terre - que j'ai adoré par ailleurs.

Que le roman de Susanna Clarke soit devenu un best-seller, y compris en France avec des dizaines de milliers d'ex. écoulés, laisse espérer que la place existe pour toutes les littératures.
Et pas seulement pour les plus évidentes, les plus immédiates, les plus indiscutablement rentables pour tout le circuit du livre.
Je n'ai rien contre les livres a priori commerciaux : que seraient nos éditeurs, libraires, imprimeurs - et donc auteurs - sans ces locomotives ?
Mais le risque que les romans très grand public n'occupent bientôt toute la place est réel dans une économie qui a perdu le goût de l'aventure - sauf quand il s'agit de produits financiers exotiques.

Bref, "Jonathan Strange & Mr Norrell" se mérite, comme on dit.
Et il vous le paie bien en retour.
Bientôt une fiche de lecture...