dimanche 29 avril 2012

Sherlock Holmes - Jeu d'ombres


N’était-ce Robert Downey JR, Jude Law et leur camp attitude, il ne resterait pas grand-chose de ce second opus des Mystères de l’Ouest… euh, de Sherlock Holmes. Le scénario est convenu à souhait - le bad guy de service, Prof Moriarty en personne, fait monter la pression entre nations européennes tout en construisant un max d’armes, dans le but de les leur vendre, if that rings a bell…
Réjouissante alter ego, adversaire et maîtresse de Downey dans le N°1, Rachel McAdams disparaît  trop vite de l’écran. Las, Noomi Rapace ne lui fera jamais d’ombre dans le rôle d’une improbable gitane, un peu rebelle, un peu française, beaucoup mauvaise.
L'atmosphère surnaturelle et gothique de SH1 n'est plus qu'un souvenir, à mon grand regret. 
Et la tentation steampunk - des armes, des armes ! - bien vite évacuée. 
Bien sûr, tout cela est bien filmé - même si ces ralentis/accélérés commencent à lasser votre serviteur, bien dirigé et somptueusement décoré. Philippe Rousselot fait comme toujours des merveilles à la lumière. Le duo Holmes/Watson fonctionne aussi bien que dans l’épisode précédent, l’effet de surprise en moins, et Moriarty compose un villain intéressant. Demeure le sentiment mitigé d’un bon moment décevant. 

Marina - Zafon




Un jeune narrateur timide et téméraire. Un ciel haché d’orages et de brèves éclaircies. Des amours adolescentes contrariées et d’autres, ancestrales et tragiques. D’adorables et frêles jeunes femmes promptes aux mensonges. Des seconds rôles hauts en couleur. Des courses poursuites dans le labyrinthe d’une Barcelone de légende. Des visages calcinés par le vent brûlant de l’Histoire. Un secret mal enfoui et que l’inextinguible curiosité du héros exhume. Des péripéties coulées dans le moule du roman feuilleton… : Marina dispense des charmes délicieusement vénéneux auxquels Zafon nous a déjà habitués. Même si cette fois, les livres ne tiennent plus un rôle essentiel, à la différence de L’Ombre du vent et du Jeu de l’ange. Ou plus exactement, ils ne le tiennent pas encore : s’il a été publié en France après ces deux opus, Marina les précède pourtant dans l’œuvre du romancier catalan. Il en est une sorte de répétition générale, arborant la même exaltation romantique, la même jubilation gothique. Une joie morbide, un enthousiasme en gris et noir, où la mise en scène de créatures monstrueuses, modelées dans la glaise d’un cimetière, partagent la vedette avec le douloureux éveil sentimental d’un ado. Déjà cette générosité de rebondissements et de personnages déformés par des destins extravagants qu’emporte aux limites du grand guignol la plume de Zafon. Une frontière qu’il ne franchit que pour souligner les tourments de son jeune héros.
Marina est un bref roman de formation, au surnaturel assumé. A lire, comme je l’ai fait, à la pâlide lueur d’une lampe de poche, quand le chahut de Paris s’amuït enfin et que rampe, toute proche l'ombre des peurs enfantines. 

A noter, Marina est sorti en France dans une collection courante et une édition jeunesse, tant en grand format qu'en poche. Quoiqu'il en dise dans sa postface Zafon a vu ses quatre 1ers romans (une trilogie puis Marina) publiés sous l'étiquette littérature jeunesse. 

mardi 10 avril 2012

Institut en fleurs


Borgen


Vous avez peut-être manqué la série Borgen, sur Arte. Vous le regrettez déjà et je vous comprends. Petit rappel.
Un épisode de Borgen c’est :
- Une femme 1er ministre aux prises avec sa houleuse coalition : quel piège lui ont tendu ses partenaires ? Quel scandale tentent d’exploiter ses adversaires ?
- Une femme surchargée de travail au point de mettre son couple en péril. Jusqu’où aller pour sauver son gouvernement, répondre aux sollicitations de son équipe sans pour autant épuiser la patience d’un époux qui a mis sa propre carrière entre parenthèses ?
- Une journaliste éprise du spin doctor* de la susdite 1er ministre. Comment faire son boulot en échappant aux menaces, aux manipulations ? Quelle place accorder à la vie sentimentale ? Jusqu’où aller dans sa quête de vérité ?
- Un spin doctor cynique et plein d’ambition : comment déjouer les pièges qui entravent la bonne marche du gouvernement ? Comment reconquérir le cœur de la susnommée journaliste ? Jusqu’où conduire la manipulation d’autrui sans se perdre ?

Ces trames se chevauchent, se répondent et sont reprises à chaque épisode. Au point de donner à la gouvernance du Danemark l’allure d’un match permanent où il s’agirait moins de préparer le pays au monde qui s’annonce qu’à occuper le terrain au prix de tous les sacrifices, de toutes les traîtrises, de tous les compromis.
Malgré les idéaux – en dépit ou à cause d’eux : pas plus les intéressés que les électeurs ne sauraient trancher – l’exercice du pouvoir transforme. Rien de nouveau dans ce constat et Borgen ne propose pas grand-chose de plus. Simplement, il y parvient avec conviction, une certaine humanité, une psychologie simple mais pas simpliste, à peu près débarrassée du manichéisme cher aux scénarios anglo-saxons. Parvenue au sommet de l’état par la grâce de coïncidences tombées à point nommé, l’héroïne gagne peu à peu en maturité politique ce qu’elle perd en humanisme. La sombre étoffe du tailleur avec lequel elle achève la 1ere année de son mandat, et par la même occasion la 1ère saison, souligne cette évolution, ce cheminement vers la solitude brûlante du pouvoir. Une progression portée par une actrice exceptionnelle, capable de nourrir son personnage des plus subtiles nuances de l’enthousiasme, de l’inquiétude, de l’hypocrisie, de la lassitude, de l’amour aussi et, indispensable en l’occurrence, de l’autorité. Pour profiter pleinement de son jeu réaliste, il faudra choisir la version originale sous-titrée – un effort qui en vaut grandement la peine.

Borgen m’aura appris deux choses fondamentales : une coalition centriste c’est le bordel, et viser l’excellence professionnelle sans l’aide d’une babysitter, c’est la mort du foyer. Une double leçon à méditer à l’approche des élections, non ?

* Chargé de la communication du 1er ministre. Son importance dans le script tend à démontrer que l'éminence grise n°1 cherche moins à mesurer les conséquences sur l'avenir du pays de telle décision politique, tel acte privé, telle infortune publique qu'à en connaître et en maîtriser les retombées médiatiques. Comme si le modèle Attali-Kissinger était obsolète.