vendredi 28 décembre 2012

Tolkien - Le Magazine Littéraire




Je ne sais pas ce que vaut le spécial Tolkien du Figaro, mais le dossier du Magazine Littéraire est passionnant, en tout cas pour le novice que je suis. (J'ai lu Bilbo en 1980 et me suis arrêté au milieu du second tome du Seigneur des Anneaux quatre ou cinq ans plus tard, avant de voir les trois films de Jackson au cinéma. Enfin, les quatre films, désormais) Six € le mag, ça parait cher quand on connaît le prix d'un poche mais comme une longue interview de Toni Morrison complète le numéro et qu'une enquête sur les gender studies promet d'être instructive...
Sachez encore que le ML organise un concours de nouvelles autour du Seigneur des Anneaux :  
Il s'agira de mettre en scène à l'époque contemporaine la découverte d'un anneau de pouvoir semblable à celui que trouve Bilbo dans le Hobbit, et les conséquences de cette trouvaille. Les textes ne devront pas excéder 10 000 signes, espaces comprises*. Ils devront être envoyés à l'adresse invitation@magazine-littéraire.com avant le 20 février, avec la mention "Concours Tolkien". Les trois meilleurs textes seront publiés sur le nouveau site, et dans un recueil tiré à part qui sera envoyé aux auteurs. Ceux-ci recevront en outre un exemplaire du Dictionnaire Tolkien, paru aux éditions du CNRS. 
Le moment de se mettre à écrire de la fan-fiction, non ? Résultats sur le site du Mag-Litt fin mars, pendant le Salon du Livre de Paris.

jeudi 27 décembre 2012

The Hobbit - Peter Jackson


Photo : DR

The Hobbit ressemble moins à un pique-nique de trolls qu'à ces gâteaux hauts comme des buildings, bourrés de couleurs et de sucre : un défi au bon goût, à la délicatesse et à une digestion sereine - en fait, à une seule part dudit dessert. Car en adaptant le Hobbit en trois films Peter Jackson a l’air de nous dire : « Vous en reprendrez bien une tranche ? »
Pourquoi diluer un roman modeste - Bilbo le Hobbit - quand on a taillé naguère dans une épaisse trilogie - Le Seigneur des anneaux ? Par superstition ? Parce que l'on est devenu une sorte de Lucas, libre de toute entrave issue des majors ? Et que l'on compte bien vous en mettre plein la vue et soi-même plein les poches ? Ou plus simplement parce que une nouvelle génération aborde l’univers de Tolkien-par-Jackson vierge de tout préjugé et que l’on peut bien dès lors retenter la martingale ?
Oui, les longueurs abondent sans pour autant mieux définir le monde, les enjeux de pouvoir, la nature de la magie, la mythologie... et l’étonnement qui avait présidé à la vision du Seigneur des Anneaux, version salles, n’est plus tout à fait le même : nous sommes désormais des familiers des Terres du Milieu et de leur sidérante faune. Même s’il faut bien reconnaître que l’image a encore gagné en netteté, les SFX en réalisme et que la direction artistique est encore de haute volée. C'est déjà beaucoup. 
Coauteur du scénario, Jackson reprend son humour entre facétie et grotesque - lequel humour sied sans doute mieux au Hobbit qu'au SdA -, un sens certain de l’épique, une partie de son casting et ajoute une communauté de nains bien choisie et un Bilbo que j’imaginais plus jeune. Raté pour la surprise – au moins n’y en-a-t-il pas de mauvaise.  Je me comporte en enfant gâté ? Possible. 
Quelques heures après le spectacle porté par une musique omniprésente, redondante et guère inventive, je me surprends à me demander ce qu’a vécu cette troupe d’aventuriers, en dehors de quelques moments magistraux et tout bonnement éblouissants.
Bah, finalement, que demander de plus que cet émerveillement épisodique ? Une deuxième part, mais un peu plus fine cette fois, s’il vous plaît.


PS : 9€50 pour voir le film dans une salle de 65 places - je tenais à éviter la 3D et cherchais une VO en 2D sur Paris - sur un fauteuil lacéré en compagnie de spectateurs dont le crâne masque un quart de l'écran et qui passent la séance à baffrer des seaux de pop-corns et de bonbons avant de les laisser, inachevés, versés sur lesdits fauteuils a de quoi vous dégoûter d'aller au cinoche. Ou bien faudrait-il désormais préparer ses sorties films comme on concocte une excursion ?

edit : ici et là de petites modifications.

Un blog ? Oui, mais pour quoi faire ?


Oui, 2012 s'achève et j'ai eu peur, un moment, que ce blog batte un nouveau record négatif. Vingt posts de moins que l'an dernier, comme cela semble avoir été le cas les deux années précédentes : oh, hé, ça va pas non ? 
Il faut dire que, passée l'excitation des premiers temps, on ne sait plus trop bien pourquoi on sacrifie à l'exercice du weblog :

  1. Baragouiner en solitaire pour jouer l'intéressant ? Il vaudrait mieux écrire ses romans.
  2. Geindre pour chipper des points de loose à Caliméro ? Pathétique. 
  3. Assurer non stop son autopromo puisque telle est la règle de survie n°1 sur le web 2.0 ? Y a intérêt à s'y donner quotidiennement alors, car la concurrence est hyper rude.
  4. Partager ses coups de coeur méconnus dans l'espoir que quelqu'un, quelque part, vous entende crier ? Les statistiques de mon blog l'affirment:  une note sur Intouchables cumule les clics, une sur Ian McEwan tourne dans le vide.
  5. Faire de sa vie un roman online ? Je ne sais pas si je suis pudique mais la relecture de mes messages les plus, hum, intimes m'ont bien vite embarrassés. 

Les commentaires ? Je pourrais tout aussi bien les fermer tellement ils sont rares. Comme le dit un pote, un post de blog c'est comme une pierre jetée dans un puits. A moins d'être célèbre évidemment, ce que je ne suis pas. On a l'illusion de s'adresser aux masses depuis un balcon alors qu'on pérore devant son miroir.

Alors j'ai failli abandonner à maintes reprises. Ce qui me fait tenir ? Les commentaires de lecteurs rencontrés en dédicaces, les encouragements d'amis. Les uns et les autres sont rares mais ils ont eu l'heur de tomber au bon moment, celui où je pensais mettre les bouts. 
Du coup on va encore faire un bout de chemin ensemble, si vous le voulez bien. 

mercredi 26 décembre 2012

Paranorman - Chris Butler, Sam Fell



De quoi ça parle ?
Norman a le don de voir les morts : des fantômes plutôt verts qui arpentent les rues de son bled un peu plouc, quand ils ne traînent pas dans son salon. De quoi faire de lui un freak moqué par tous. D'ailleurs, Norman est le genre geek solitaire. La seule personne à partager son goût pour les films d'horreur est sa grand-mère, décédée quelques temps plus tôt. 
Mais un autre membre de la famille possède le même pouvoir : son oncle, un clochard qui vit ses dernières heures planqués dans les bois. A l'heure de sa mort, il lui faut toutefois transmettre son savoir à son jeune neveu. Car sans cette connaissance, l'ancestrale malédiction de la sorcière risque de se réaliser pour de bon, mettant en péril toute forme de vie dans la communauté. Norman sera-t-il à la hauteur pour défier la créature maléfique ? Et surtout, sera-t-il enfin accepté des siens ?


C'est comment ?
Voilà un métrage d'animation surprenant, fort sympathique et très joli :

  • Sans être échevelée, l'intrigue ménage quelques rebondissements bien trouvés.
  • Les personnages jouent avec les clichés pour se rendre plus attachants.
  • L'animation et l'univers visuel sont si soignés qu'on croirait le film sorti d'une major.
Evidemment, la famille triomphera. Vous vous attendiez à quoi, à ce qu'elle explose ? Non, ça c'était dans les années 70, quand un spectacle familial aux coût pharaonique n'imposait pas la niaiserie pour conclure son scénario : Rencontres du 3e type est aussi l'histoire d'un foyer réduit à néant par une obsession.
Mais bon, passons.
Laika, la boîte de prod, avait livré Les Noces funèbres et, plus récemment, Coraline. Aussi somptueux fussent-ils, l'un et l'autre ne m'avaient pas convaincu, pour des raisons différentes.
Mais là, vous trouverez d
e quoi passer un bon moment dont l'intensité, le thème, la morale sont à rapprocher de Frankenweenie. Un double programme d'exception, en quelque sorte. 

Ne Cherche pas à savoir : la chanson



2012 s'achève dans un calme très relatif.
Parmi les moments les plus dingues que j'aurais passés cette année : l'enregistrement de la chanson de Ne Cherche pas à savoir. Avec Nicom au chant et à la guitare, votre serviteur au piano, Guillaume Spitz à la production, Steve Forward* aux manettes et les zikos de Nicolas à l'orgue - Cyril Seguy - aux baguettes - Benoît Crozatier - et à la basse - Lolo Violo. Quelques heures exceptionnelles, fin novembre, vécues au studio Question de son, à Paris.

Je suis le genre lent. Ça fait un bail que je rêve de passer quelques jours dans un studio d'enregistrements. 25 ans ? Au bas mot.
C'est chose faite, avec une chanson dont j'ai écrit les paroles et composé la musique avec Nico  et Guillaume. 

J'étais sans aucun doute trop anxieux pour me lâcher vraiment au clavier, le jour J, sur ce Yamaha C3 à la touche légère malgré les dimensions imposantes de son ventre de jais. Pas grave, personne ne me demandait d'être virtuose. Surtout, la chanson existe désormais, la voix et la gratte de Nico lui donnent une épaisseur aussi charnelle que romantique, la section rythmique la soutient avec élégance. La plupart de ces éléments étaient présents sur la maquette réalisées il y a déjà deux ans ; le boulot de Steve l'a magnifiée.  

Quelques semaines plus tard, je suis retourné au studio suivre deux journées de mixage : ce moment étrange pour le novice où quelques mesures passent en boucle dans les moniteurs tandis que l'ingé affine le son, une heure après l'autre. Au fond du canapé on suit l'exercice les sens en éveil, entre deux pauses cafés où l'on croise Maxime Le Forestier ou le chanteur des Kooks. Les instruments trouvent leur place dans l'espace, les timbres ne se bagarrent plus mais vivent en harmonie - et ce processus s'opère en direct, presque à tâtons. Une sorte de polissage, avec des outils au grain toujours plus fin. C'est souvent déroutant, parfois fastidieux. Moi, j'adore ça. 
J'ai eu une chance folle : Nico, Thomas Pradeau - réalisateur de l'album et co-arrangeur de plusieurs pistes - Steve et Fred Vectol, le très jeune patron de QdS, sont charmants et, ahum, à l'écoute. Je ne suis pas près d'oublier ces journées en apesanteur. 

*Steve Forward est un musicien, producteur et ingé-son hors-pair. Britannique, il a travaillé  en GB, aux USA, en Europe du Nord et en France avec Paul McCartney, Ray Charles, Jimmy Page, Robert Palmer, Voulzy, Eicher, Hallyday... Autant dire que je me sentais tout petit derrière le quart-de-queue, malgré les encouragements et la chaleur du bonhomme. 

mercredi 19 décembre 2012

La Nostalgie de l'ange - Alice Sebold





De quoi ça parle ?
Hiver 1973. Susie Salmon a 14 ans quand un voisin la viole et l’assassine au fond d’un trou aménagé au milieu d’un champ de maïs. Loin de s’éteindre, elle file au paradis et depuis son point de vue privilégié observe le quotidien des êtres chers laissés derrière elle.

C’est comment ?
Avec ces prémices macabres et néanmoins pas follement originaux, Alice Sebold peint le lent travail de deuil d'une famille, rend compte des dommages qu’une mort violente et pourtant désincarnée – le corps ne sera jamais trouvé ­– infligent à tous. Comment expliquer au petit frère le caractère définitif de la disparition ? La benjamine, une surdouée, peut-elle trouver une forme de paix alors que l’adolescence monte en elle en une sève qui exaspère toutes les émotions ? Quelle place reste-t-il à une mère dont l’époux est tout entier tourné vers la douleur et l’obsession de démasquer le coupable ? Une femme qui, par ailleurs, n’a jamais vraiment désiré enfanter ni s’établir durablement dans cette banlieue triste. Le quartier lui-même, si paisible pour ne pas dire assommant, prend la mesure du traumatisme à sa manière, entre gêne et célébrations spontanées.

Susie suit donc ce petit monde depuis son perchoir, un lieu intemporel que l’auteur décrit de temps à autres, à touches légères, un royaume céleste qui vaut plus pour ses rencontres que pour ses paysages et ses distractions.

D'ailleurs Sebold n’est pas toujours convaincante lorsqu’il s’agit de prêter vie – hum – à la narratrice et à son nouvel environnement. Son ange évoque donc la cruelle séparation d’avec les siens, raconte leur deuil et celui de ses amis, observe son assassin qui sans cesse échappe à la vigilance de la police. Ce parti-pris, clairement fantastique, a peut-être contribué au succès mondial du roman. Artificiel – par moments Susie remonte le temps et contemple le passé de sa mère ou de son meurtrier – le procédé n’apporte pas grand-chose à l’histoire, quand il ne le gâche pas : ainsi le retour provisoire de la jeune fille sur Terre, réincarné dans une amie le temps de faire l’amour avec un garçon qu’elle n’avait jadis pas eu le culot d’embrasser, fait un peu tâche.  Il autorise en revanche l'utilisation d'une voix, d'un ton, bref ce que l'on appelle aussi le style, et qui offre à la narration une belle unité, en parfaite adéquation avec le sujet. 

La nostalgie proclamée du titre français s’efface au profit de la douleur des survivants, de leur capacité à se réinventer partiellement dans la matière même du deuil. Cette renaissance, l’auteur la narre avec un vocabulaire à la fois simple et sensible, parfois familier, d’une intense mélancolie, où affleurent le surnaturel et se révèle la fragilité des êtres. Où s’épanouissent, enfin libérées, des émotions pubères et relativement épargnées de pathos. Ainsi en est-il de Ruth, l’amie de la défunte qui s’installe à New York pour y écrire des poèmes entre deux jobs. Touchée par une grâce singulière, elle décèle au hasard de ses excursions les disparitions violentes de jeunes filles comme d’autres découvrent des sources souterraines, autant d’assassinats qu’elle listera sur un carnet en une tentative très personnelle de rendre justice à sa copine de classe.

Le roman dessine aussi des portraits plus équivoques : la mère fuyant son foyer faute d’y trouver le moindre réconfort ni le moindre espoir est une création  touchante. Abigail Salmon est un mystère irrésolu tant pour sa défunte fille que pour le lecteur. À moins qu’elle ne symbolise à elle seule ces femmes résignées à la maternité et à la vie de famille afin d’entrer dans un moule dont la puberté a pourtant nourri l’exécration. Une mère par accident ? Peut-être. Après tout, sa propre mère semble avoir un sens des responsabilités familiales un peu hors-normes. Semble seulement, car malgré son alcoolisme et sa futilité Grand-maman Lynn s’avérera d’une loyauté et d’une aide précieuses, quand la mère a déserté et que le père n’est plus tout à fait là.

L’attention scrutatrice de Susie, son don d’ange en séjour longue durée au purgatoire, s’attarde aussi fréquemment sur son tueur. Mr Harvey a fait de sa vie un mensonge auquel le voisinage prête foi malgré les signaux d’alerte lancés par le père de Susie – mais accepter d’avoir passé tant de mois auprès d’un concitoyen sans en avoir identifié la nature monstrueuse est sans doute trop difficile, y compris pour la police. Seul dans sa grande maison, ce soi-disant veuf construit de charmantes maisons de poupées qu’il revend à des clients fortunés.

Mr Harvey est donc cette figure désormais traditionnelle d’un certain roman américain, ce poncif absolu : le meurtrier sexuel en série. Car il n’a pas seulement démembré l’héroïne, il a sévi à maintes reprises, ici et là quand il n'a pas épuisé son vice sur des animaux. Quelques détails lui confèrent cependant une aura particulière, qui instaurent le malaise et atteignent l’exploit de mettre le manichéisme et le jugement moral de côté, comme si tel n’était pas l’enjeu de la romancière : Harvey ne représente pas tant le mal absolu à équilibrer par une proposition positive qu’une victime supplémentaire de la solitude, celle-là même qui afflige tous les protagonistes. Le retrouver ne sera pas tant l'occasion pour Susie de se venger post mortem et d'obtenir réparation que de voir sa famille s'apaiser enfin. 

Après tout, ce n’est pas un thriller et encore moins un roman policier. D’ailleurs, l’enquête sera brève, sans être passée sous silence – encore un trait de la fiction US où il n’est pas question de raconter n’importe quoi sous prétexte de littérature  – et l’inspecteur en charge de l'affaire portera lui aussi le fardeau de cette famille. Jusqu’à s’immiscer dans la vie de celle-ci en prenant pour maîtresse la maman de Susie. Encore un drame que Susie prendra soin de ne pas juger mais plutôt d'en saisir les conséquences psychologiques. La peine est-elle soluble dans l'adultère ?

Toutefois, la reconstruction, la recomposition et la réunion auront bien lieu : la sacrosainte famille, modèle réduit et parangon de la communauté américaine, pansera ses plaies, toutes ses plaies. Même s’il lui faudra pour cela endurer quelques années de souffrance, vécues sous l’œil attentif de Susie.

Le méchant sera-t-il puni ? A vous de le découvrir… 

Traduit de l'américain par Edith Soonckindt

jeudi 6 décembre 2012

Colosse



Un ado colossal est arrivé hier dans le collège de ma fille. 
Il a dit à tous, J'ai été viré de mon collège parce que j'ai envoyé un mec à l'hosto. 
Il a dit à une fille qui sortait son portable, Range-le parce que si je vois la marque, je te le vole.
Il a dit à ma fille qui allait fermer une fenêtre sur ordre de sa prof, Bouge pas ! Si tu bouges pas ou je te tabasse !
A la fin de la journée il a dit, Plus tard je serai policier. Je serai policier parce qu'il y a trop de délinquants.

mardi 4 décembre 2012

Synchrone - Tome 1 : trauma




De quoi ça parle ?
La balle qui a tué la femme de Ian Mallory a également plongé ce dernier dans le coma. Trois ans plus tard, il se réveille, atteint d'une étrange pathologie : il vit ses émotions en différé. (Description de l'éditeur) 
De quoi donner des idées à certains... Car si cette froideur provisoire fait du héros un "cynique de quelques heures" - le temps que sa conscience prenne la mesure morale des événements affrontés - elle lui accorde aussi l'attention de personnages nettement plus intéressés. 

C'est comment ?
Sur ce pitch, Vincent Delmas construit une intrigue pleine de promesses, avec double vie inside et petits meurtres en famille. Difficile d'en dire plus, sinon à déflorer l'intérêt de ce premier tome. A ce propos, faites-moi plaisir : ne lisez pas le résumé au dos de l'ouvrage. Il raconte à peu près tout ce qu'il y a à savoir de l'épisode. C'est-y pas crétin....
Depuis le mobile de l'attentat dont a été victime son épouse jusqu'aux motivations de ses ex-employeurs, Mallory, aujourd'hui auteur de thriller - ouah, trop fort la mise en abyme -,  va devoir résoudre un sacré paquet de noeuds. Sans y laisser des plumes ? Sûrement pas !
Un thriller assez violent et très réussi, même si je ne suis pas fan du trait de Riccardo Crosa. Plus qu'à espérer que la série ne sera pas étirée en what-mille tomes. 

C'est au Lombard et le T2 est dispo.

lundi 3 décembre 2012

Borgen, saison 2


Dites, vous n'êtes pas en train de louper Borgen, the série politico-dramatique danoise que je l'aime beaucoup ? Rassurez-moi...
C'est la saison 2, tous les jeudis à 20h35 sur Arte. Hélas en mode indigeste "3 épisodes pour le prix d'une soirée". Quelle drôle d'idée, franchement.
Bon, comme il s'agit d'une série, on reprend tous les éléments de la saison précédente à peu de choses près et on tâche de faire évoluer les protagonistes - ou hoqueter, c'est selon.
Dans tous les cas, une joyeuse description de toutes les compromissions auxquelles madame le 1er ministre doit s'adonner pour faire vaincre ses... euh, ses quoi au juste ? Comme elle a déjà sacrifié ce qui l'avait conduite au sommet du gouvernement, ces interminables journées de pouvoir ressemblent désormais à un exercice de survie.Winter is coming, quoi.
Si j'étais honnête avec moi-même - parce que des fois j'aime me raconter des craques -, je dirais que cette saison ne tient que grâce à la géniale Sidse Babett Knudsen .
Ah, et si tout de même : l'odieux Laugessen, patron d'un tabloïd qui fait un peu chier tout le monde avec une absence totale de vergogne et une science consommée du mépris, me procure beaucoup de joie.
A suivre impérativement en VO, même si les 1ères minutes de danois sont, hum, déconcertantes - et me rappellent une cuite à bord d'un ferry parti du Pirée, mais c'est une autre histoire.

CHERUB - tome 4 - Robert Muchamore



CHERUB est une agence britannique ultra-secrète qui entraîne et emploie des orphelins pour mener des opérations d'infiltration auprès de cartels de la drogue, de marchands d'armes, de truands...
De la graine de voyous, quoi, brillamment canalisée par la toujours très pragmatique et néanmoins perfide Albion.
Du roman pour ados monté très cut et qui carbure à l'adrénaline. Une galerie de personnages aussi, avec en tête de file le très colérique James Adams.
Chaque opus propose une histoire complète, alternant phases d'entraînements, vie quotidienne au "campus" et missions hyper risquées.
Dans les deux épisodes que j'ai lus (le 2 et le 4, au hasard des prêts), la menace n'est pas assez grande malgré les milieux à fort potentiel criminel infiltrés, pour générer de l'angoisse façon espionnage.
Et puis les adultes, flics compris, servent trop souvent de filet de sécurité pour que je me prenne vraiment au jeu. Mais je n'ai pas l'âge requis, faut  bien l'admettre. En revanche, impossible de ne pas saluer l'auteur pour la qualité des intrigues.
Le ton enlevé, la description des relations adolescentes et les propos crus rendent le tout fort sympa à suivre.
Déjà 14 épisodes publiés depuis 2004, sans compter les prequels, Henderson's boy, qui narrent la création du service durant la 2nde guerre mondiale.
Dipos en poche chez Casterman

dimanche 25 novembre 2012

Texas Cowboys - Bonhomme et Trondheim






Boston, après la guerre civile. Un tout jeune journaliste se voit par hasard confier un reportage dans le Texas le plus sauvage, le Hell’s half acre d’un bled nommé Fortworth.
Oubliant les règles les plus élémentaires de l’objectivité, le garçon va se livrer corps et âme à ce wild west impitoyable. Quitte à prendre part à ses syndromes les plus criminels et jeter hors de selle l’innocence dont ses bagages étaient remplis.
Voilà une bédé montée comme un scénario de Tarantino*, qui trouve le moyen d’être un récit d’initiation, l’histoire d’une double vengeance, un portrait de groupe et une énigme. 
Sûr, c’est du western tendance pulp, où, en cinq ou six cases par page, un dessin sobre et aux à-plats de couleurs tranchés réinventent un monde aussi brutal que surexploité par la culture populaire. Mais les jeux de narration, où des fils se croisent et s’éloignent jusqu’à enfin faire sens, bousculent le lecteur le long de neuf chapitres fleurant la poudre, la boue, la peur des condamnés – et les clins d’œil au genre.
Des protagonistes convaincants, moins manichéens qu’aux prises avec l’instinct de survie et l’espoir d’une vie meilleure façon rêve américain, coexistent le moins pacifiquement possible.
Reste à deviner qui du scribouillard pied-tendre, de la joueuse de poker psychotique, de l’apprenti shaman ou du braqueur de banque, tirera ses marrons du feu pour se bâtir une place au soleil… de Boston.
Une 2e aventure est prévue, vous pouvez compter sur moi pour la lire.

*Le scénariste racontait dans une préface à Reservoir Dogs avoir employé les ressources plus singulières du roman, pour casser la stricte linéarité du récit et dynamiser ses films.  

mardi 20 novembre 2012

Get well soon



Un soupçon de Divine Comedy, une pincée de Pulp : Get Well Soon fabrique une pop patinée comme un décor de péplum : c'est toc et c'est beau.

lundi 19 novembre 2012

Frankenweenie - Tim Burton


Avec The nightmare before Christmas, Burton avait placé la barre très haut. Tant l’univers (Burton), que le scénario (Mc Dowell et Thompson), l’animation (Selick)  et la musique (Elfman) concouraient à la magie immarcescible de mon « film pour enfants » préféré. D’aucuns ont à l’époque avancé que Selick, réalisateur de l’opus, y était pour beaucoup, ce qu’a vite démenti quelques années plus tard son pâlichon James et la pêche magique.
12 ans après, Burton + Elfman remettaient le couvert : Les Noces funèbres promettaient un même enchantement. Las, malgré l’exubérance polychrome, l’humeur gothique et les chansons bien troussées, pas la moindre fulgurance n’élevait cette 2e aventure de Burton dans le monde du long métrage d’animation en volume.
Troisième incursion, le projet Frankenweenie abandonne tant la couleur que la comédie musicale et revient vers le monde des banlieues stéréotypées à la Spielberg. Alors, qu’attendre d’un réalisateur qui déclenche désormais plus souvent l’ennui que l’émerveillement ?
À peu près tout, et c’est tant mieux tant le film est une réussite.
Inscrire le gothique dans le lotissement 60’s est un contrat que Burton a déjà brillamment rempli avec Edward aux mains d’argent. Ici, il revisite cette arrière-boutique de son talent singulier avec le plaisir d’un jeune premier et l’expertise d’un maître. A New Holland, petite ville trop souvent frappée par la foudre pour ne pas abriter une population d’ados aux penchants pour le macabre, il se passe de drôles de choses et les valeurs y sont vite inversées. Les emos sont les normaux et Barbie une pythie. La concomitance d’un concours scientifiques à destination des lycéens, du décès d’un chien adoré et de la fête communale va porter ces singularités vers un climax d’épouvante.
Avec clin d’œil appuyé vers la sous-culture d’un certain cinéma d’horreur.
Bien sûr, l’éloge de « la différence vécue au cœur de la communauté » si cher à Hollywood, cette machine à niveler la culture, marque tout le récit. Mais Burton – lui-même un cas d’école, tant il est parvenu à inscrire son imaginaire à la Gorey dans la roseraie Disney  – et son scénariste empruntent assez de chemins de traverse pour faire passer la pilule au plus rétif – moi en l’occurrence.
Comme une blague adolescente, le récit ne recule devant aucune outrance. Que les crottes d’un chat persan servent de véhicule pour lire l’avenir ou qu’un cochon d’inde soit inhumé au fond d’un immense mausolée font partie du quotidien des gosses de New Holland. Un prof de sciences tente d’édifier ses élèves grâce à l’effrayante description de phénomènes météorologiques ? Sa classe a bien pire à lui raconter, et elle ne s’en privera d’ailleurs pas. Un peu dérangés, tous ces mômes s’avancent, d’une expérience à l’autre, vers le final à l’apocalypse jouissive et assumée.
Molle dans le premier tiers  – après tout c’est du Burton – la mise en scène accumule les morceaux de bravoure. Quant à la photographie de Peter Sorg, elle alterne le plein soleil d’une sorte de Californie magnifiée aux ombres expressionnistes de son climat capricieux : un noir et blanc qui donne des couleurs à l’intrigue.    
Même la fin, qui m’a fait un instant craindre le pire – la promesse d’un retour à la normal, le happy end démago, la leçon du héros bien apprise avec bonus de maturité  – balaie le clicheton : ceux qui ont le plus à apprendre de cette histoire sont les adultes. 
Si je ne suis pas certain d’approuver, je veux bien participer aux travaux de la classe, tant ils sont aussi excitants que brillants.Petits bémols sur le personnage principal, assez falot et sur la musique de Dany Elfman, d’où n’émerge aucun thème, alors que le récit et son traitement s’y prêtaient si bien.

lundi 12 novembre 2012

La bêtise et la sagesse - Kundera



La bêtise des hommes vient de ce qu'ils ont réponse à tout. La sagesse du roman, c'est d'avoir question à tout.

Milan Kundera, entretiens avec Philip Roth in " Parlons travail ".

dimanche 11 novembre 2012

Sur la plage de Chesil - Ian McEwan




De quoi ça parle ?
Florence, jeune et talentueuse musicienne et Edward, étudiant en histoire, viennent de se marier. Leur première nuit de noces prend place dans le décor suranné d’un hôtel du Dorset. Ils se connaissent depuis un an. Ils n’ont jamais fait l’amour. On est en 1962. Ça ne va pas très bien se passer.

C’est comment ?
Roman bref, nos voisins diraient novela, Sur la plage de Chesil est une évocation de l’esprit qui régnait dans la classe moyenne anglaise, au tout début des années 60, dès lors que le mariage et ses corollaires marquaient la vie des jeunes adultes. La description de cette invraisemblable chape de plomb qui pesait sur les relations sexuelles. No sexe before mariage. On sent qu’on va s’amuser.
Le récit se concentre sur cette horrible nuit de toutes les peurs, où le dégoût de Florence le dispute à l’impatience d’Edward, où le moindre geste est un malentendu que rien jamais ne viendra dissiper. Car la colère est la mauvaise conseillère que l’on sait et que la fierté est trop vite bafouée à une époque où la morale interdit d’évoquer ses faiblesses, ses craintes.
Avec un peu de maladresse, McEwan explique que cette nuit-là, si dramatique, ne pourrait avoir lieu qu’en ces temps désormais si lointains. D’ailleurs, il paraîtrait un peu vain de s’attacher à ces tourments qui sont, aujourd’hui, ceux d’adolescents et non de jeunes mariés, si McEwan ne faisait de son récit un formidable double portrait. En alternant les points de vue sur une même scène, il démonte la boîte à méprises qu’est l’âme humaine pour en montrer les horribles rouages.
McEwan profite aussi de cette nuit pour revenir sur les circonstances de cet amour, ses origines, le contexte de son épanouissement. Présenter le contexte familial dans lequel ont baigné ces deux êtres si différents par certains aspects (leur préférences) et si proches par d’autres (leur méconnaissance de la sexualité), c'est dévoiler les effets délétères du désir sexuel et des attentes conjugales lorsqu’ils demeurent innommés ou, à tout le moins mal formulés. 
Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Et tant d’autres en ont parlé avant lui. Il n’empêche que l’écriture de McEwan, son art consommé du rythme et de la description tant psychologique que naturaliste, crée sans cesse une tension qui pousse à précipiter la lecture pour connaître le dénouement de cette crise.
C’est aussi la force de la littérature que de créer l’attente, le suspense, sans le recours au meurtre et aux mécanismes qui l’induisent, le résolvent et l’absolvent. Une simple dispute y parvient parfois, pourvu qu’elle soit décrite avec talent et que ses acteurs soient aussi crédibles qu'attachants. 

samedi 10 novembre 2012

Alien - the 8th actor




Alien est l'une des créations artistiques qui m'a le plus marquée. J'avais douze ans lors de sa sortie. Et j'étais dans la salle, avec trois copains. Terrifié. Pendant des années. Cauchemar après cauchemar.
Bon, là c'est nettement moins terrifiant.
Même si la silhouette de Bolaj Badejo est rien moins qu'impressionnante.

Soirée filles - Apéricube


Chèvre et poêlée de Saint-Jacques : on comprend qu'avec une telle haleine, ce sera une soirée sans mecs.

jeudi 1 novembre 2012

Disney - Lucasfilm


Sur Twitter, les fans de la saga Star Wars réagissent, en 140 signes ou en détournement, à l'annonce du rachat par Disney.



Disney s'empare de Lucasfilm. Dans le butin : StarWars. What else ?
Sur la toile, certains s'en émeuvent, comme si la bande à Mickey allait teindre en rose la plus célèbre trilogie x 2 de SF. Le risque est-il si grand ? Certes, le dernier opus diffusé était d'une profonde noirceur : le mal triomphait partout, éradiquant dans son désir de conquête jusqu'à l'Amoooour lui-même. Et la princesse Amidala de mourir en couches - normal, elle mettait au monde un über méchant déjà légendaire : la morale était sauve. Et puis, on savait que le Bien triompherait bientôt et sans partage, puisque Lucas avait raconté son épopée à l'envers. En 1983, la messe était dite : les Jedi venaient à bout d'un empire galactique dominé par un Sith aux effroyables problèmes cutanés. 
D'ailleurs, revenons à 1983. Le retour du Jedi - un temps baptisé la Revanche du Jedi avant que Lucas ne trouve que décidément, la vengeance ne sied guère à un ordre de guerriers bouddhistes et stoïques - envahit les écrans du monde entier. Sur la planète-forêt d'Endor apparaît un peuple d'ours en peluches. Les Ewoks. Vous n'avez peut-être pas oublié le tollé qu'avait provoqué leur invention. Les fans étaient furieux, la presse se déchaînait. À les en croire, les Ewoks n'étaient qu'un prétexte au merchandising offensif de Lucas. Après la pénombre tombée sur les valeureux gentils dans l'Empire contre-attaque, ces nounours faisaient tache. Au point que, l'a-t-on aussi oublié, Gary Kurtz, producteur attitré de Lucas depuis American graffiti,  abandonnait le navire stellaire pour cause de niaiserie scénaristique - une erreur professionnelle assurément si l'on en croit la suite de sa carrière. 
Lucas s'est très vite avéré un maître du spectacle familial. Même American graffiti, qui se voulait novateur, adulte et sûrement pas grand public, avait attiré les foules. L'une des singularités du Californien a été non pas de trousser des projets peu fédérateurs envers et contre tous mais de chercher à produire ses spectacles en toute liberté créative. Exit la nouvelle génération de décideurs de la Fox ou de Paramount : Lucas se passerait de leurs veto continuels. Une forme d'indépendance qui n'excluait plus, dès StarWars, de chercher à ramener les foules dans les salles obscures grâce à des histoires archétypales et d'où toute évocation d'une sexualité un tantinet adulte serait bannie. Même Indi, ce symbole sexuel malgré lui, n'échapperait pas à l'obligation de taire ses élans et de se contenter de bien chastes baisers.
Pour ma part, je n'ai aucune impatience à voir un nouvel épisode d'Indiana Jones : les deux derniers m'ont suffisamment ennuyé pour me contenter des précédents. La grande question est de savoir si Disney ira puiser dans l'immense hangar aux idées qu'a généré StarWars au travers de ses comics, ou se contentera de faire écrire une nouvelle aventure à une palanquée de scénaristes cornaqués par des script doctors imprégnés du Mythic Journey de Vogler. Que Lucas lui-même demeure consultant n'est pas forcément rassurant.
A suivre, donc...

mercredi 31 octobre 2012

Amsterdam - Ian McEwan




De quoi ça parle ?
Molly avait trois amants. Le jour de ses funérailles, ils se retrouvent autour du mari, un homme qu’ils détestent autant qu’il les méprise. Qu’ont donc ces hommes en commun, sinon leur amour pour une femme libre et qu’une maladie dégénérescente a condamné à une fin avilissante et rapide ? La réussite sociale : Vernon est directeur de la rédaction d’un grand quotidien, George a suffisamment d’argent pour détenir des parts dans ledit journal, Clive compose une symphonie du millénaire commanditée par le gouvernement, Julian est sur le point d’accéder au rang de 1er ministre de Grande-Bretagne. Un autre trait les rapproche : Vernon et Clive sont restés amis après toutes ces années, au point de pouvoir exiger de l’autre qu’il le conduise auprès d’un médecin pas très regardant sur l’éthique et les protocoles d’euthanasie. Après tout on ne sait jamais, le mal qui a rongé Molly en un temps record pourrait les atteindre eux aussi – et alors, hors de question d’endurer l’infamie jusqu’à son terme. Enfin, un point commun lie tous ces personnages peu à peu détestables, aussi imbus d’eux-mêmes que méprisants à l’égard de ceux qui ne sauraient reconnaître leur talent ou compatir à leurs tourments : une moralité plus que douteuse.
L’exploitation de photos compromettantes d’un côté, la non-dénonciation d’un viol de l’autre feront voler en éclat ce microcosme bourgeois, dont les soubassements ont déjà été entamés par les mensonges que l’on se fait à soi-même, ces renoncements successifs qui n’ont d’autre dessein que la survie du moi. L’amitié ? Un mensonge supplémentaire, voire pire encore : le prétexte d’un duel si souvent retardé qu’il prendra une dimension tragique à l'heure de sa résolution.

C’est comment ?
Ian McEwan fait ici œuvre de moraliste. Un art qu’il pratique à l’aide d’un humour très noir et des contraintes librement adaptées du thriller psychologique. Avec l’entrain d’un Lucifer, l’auteur mène sa petite troupe très gauche caviar – à l’exception du ministre xénophobe, despotique et anti-européen – jusqu’au bout de ses compromissions, de ses faillites. Les grands principes naguère énoncés sans ambiguïté seront systématiquement piétinés, au nom d’un égotisme qui n’est que le revers sombre de la tolérance, de la générosité et du progressisme autoproclamés.
Très vite la machinerie cruelle se met en marche, irrémédiable, définitive. Le ridicule aurait pu tuer cette coterie minable ; ce ne sera pas suffisant. McEwan pousse peut-être trop loin sa logique et la conclusion apparaît un peu outrée en regard d’une intrigue par ailleurs « réaliste », bien que menée tambour-battant. Ce qui n’empêche nullement ce bref roman, parfaitement construit et posé dans un écrin d’une belle concision, d’offrir une lecture réjouissante. 

vendredi 26 octobre 2012

Goldfrapp - Felt mountain





Alors que l'automne s'installe, l'heure est venu de sortir le 1er opus de Goldfrapp. Il faut arpenter cette forêt que l'aube tiédit à peine, et cheminer parmi les brumes vers ce cirque abandonné pour retrouver ces parfums d'humus, cette nostalgie d'été. Vous entendez les bannières frotter les hampes rouillées ? Dans l'ombre, des Dryades guettent vos larmes et attendent que l'harmonium entament le silence avant de se mettre à danser. 
Il y a plus de douze ans, Alison Goldfrapp et Will Gregory s'enfermaient de longs mois au fin fond de la campagne anglaise pour enregistrer cet album inégalé. Ennio Morricone, Nina Rota ou Billie Hollyday s'invitaient parfois à leur table, entre deux synthés vintage. 
Je ne vois que les Britanniques pour oser ces étranges recettes qu'il ne faut jamais lire mais toujours savourer.

jeudi 25 octobre 2012

Twilight - ELO





Alors que la presse bobo bamboche sur les bandes des barons Haribo que sont Passion Pit ou Two door cinema club, il convient de rappeler à tout ce beau monde épris de nouveauté d'où vient cette ardeur juvénile. Electric Light Orchestra et son merveilleux album, bourré d'idées, de sons et de bonne humeur jusqu'à la gueule. 
Me remerciez pas, c'est cadeau.

mardi 23 octobre 2012

Muse - The 2nd Law


A force de jouer le grand écart triangulaire (aaaïïïe !) entre pop sèche, rock gras et glam-rock symphonique, on en vient à se demander si :

  1. Muse a du mal à se trouver
  2. Muse aime un peu tout et tient à le faire savoir
  3. Muse ratisse large pour ne louper aucune oreille.

Dans tous les cas, on dirait une crise d'adolescence permanente, un résumé de quatre années de collège à passer d'une tribu à l'autre, jusqu'au moment où les 1ers piercing font tâche sur l'intégrale chalala, les boots cloutés déparent sous la jupe altermondialiste. Dans tous les cas, c'est techniquement irréprochable et ressemble à tout un tas de trucs déjà anciens, Queen en tête. Bah, pourquoi pas si l'énergie est là ? Tant qu'on ne s'attarde pas sur les lyrics à messages - l'adolescence, toujours - on devrait passer un bon moment.

Et maintenant on va écouter avec attention le sucre roux de Bat for Lashes : son Haunted man sera-t-il à la hauteur de l'excellent Two Suns ? Rah...

lundi 22 octobre 2012

The Wire

Alors voilà, j'ai vu le 1er épisode - le pilote, yeah - de la très beaucoup fameuse top série qu'elle serait mais trooop bien : The Wire. 
Sûr que ça fait sérieux. On y parle vraiment entre gars, sans tabou, avec les majeurs tendus quand c'est qu'il faut. L'inspectrice des stups a des couilles ; bon, elle est lesbienne : bonus crédibilité pour spectateur bobo. Le flic moyen a chaud à ses fesses parce que la hiérarchie elle pense qu'à son avenir dans la boîte, pas au bien être des collègues zé concitoyens. La justice ? C'te blague ! Les tueries ? Zéro panpan : d'abord on cause, tendance "réaliste". C'est important le réalisme : ça permet de voir à quel point ça craint outre-Atlantique, des fois qu'on doutait, que la téci elle va craquer, qu'on peut prendre son pied à mater la misère des autres et le tragique policier, bien peinard au fond de son canapé - voire dans le train si on est équipé au poil. 
Du polar social. L'anti Les Experts à Disneyland.
Vrai, c'est bien écrit et certains acteurs sont épatants. On sent le potentiel, on veut y croire. 
Reste qu'on a droit à la énième histoire de flics un peu ripous, un peu sympas, en quête des inévitables dealers noirs, le tout sous fond de corruption politico-policière dans une grande ville à la dérive - Baltimore, Chicago, NY, Philly, LA... you name it. 
En fait, le genre d'épisode qui recycle un certain cinéma des 70's, de French Connection à Serpico. De là à dire que c'est nouveau et passionnant...
A suivre, donc. 

Le Prestige - Christopher Priest



De quoi ça parle ?
Alfred Borden et Rupert Angier, deux prestidigitateurs hors du commun, s’affrontent dans un duel sans merci, dans la seconde moitié du XIXe siècle. Description adaptée de l’éditeur – et inutile d’en dire plus.

C’est comment ?
Ce roman épistolaire, récit d’une concurrence acharnée entre deux artistes et aux allures de guerre psychologique, physique et économique est un long frisson que le visionnage antérieur du film de Nolan n’entame en rien. Bien au contraire : connaître les secrets de magie que Borden et Angier inventent pour s’illustrer dans l’Angleterre victorienne offre une relecture passionnante du conflit. 
Priest crée des protagonistes puissants, certes entièrement tournés vers leur métier – on n’en sortira guère – mais nuancés. Là où Rupert Angier se montre arrogant, prétentieux et un peu bête, Alfred Borden s’avère réfléchi, honnête et intelligent. Tandis que le second devient obsédé et flirte avec la folie que son « numéro » (nous ne le révélerons pas ici) instille peu à peu, le second regrette bientôt le conflit qu’il a contribué à entretenir. La grande surprise du livre vient d’ailleurs de cet Angier. La forme qu’a choisie Priest pour transcrire son existence y est pour beaucoup : un journal intime que l’illusionniste tient de manière épisodique dès l’âge de neuf ans. Son évolution se révèle au fil des décennies, d’une entrée à l’autre.
Borden, lui, livre son existence en une somme rédigée vers la fin de sa vie, où l’on ne saisit qu’à la conclusion – sauf si l’on a vu le film – l’ampleur du sacrifice que son métier a impliqué, que sa réussite a exigé. De l’énormité de ce tour, l’Homme Transporté, dépendra d’ailleurs la mort de plusieurs individus. Quel artiste pourrait vivre en toute sérénité avec un tel poids sur la conscience ?

Une histoire contemporaine encadre ces deux témoignages : celle des descendants des magiciens, dont la rivalité sans merci a engendré des conséquences près d’un siècle après le dernier baisser de rideaux. Le récit d’Andrew Borden, journaliste obnubilé par l’existence d’un jumeau fantôme qui s’adresserait à lui à l’aide d’une voix intérieure, convainc moins que l’histoire de Kate Angier : l’héritière du comte magicien ressasse un traumatisme d’enfance, directement lié aux événements du passé.
L’époque est quant à elle trop esquissée pour vraiment passionner. Un choix cependant en accord avec la forme du témoignage : les protagonistes conte un long affrontement et c’est  sans aucun doute cela qui a motivé l’auteur. Avec en corollaire ce bénéfice pour le lecteur : point de longues descriptions techniques et historiques. On en trouvera toutefois bien plus que dans cette autre bataille de magiciens parue récemment : Le Cirque des rêves. Autrement dit suffisamment pour dresser une scène vivante et dotée d’un peu de profondeur de champ.

Priest a énormément de talent. Et il en faut pour proposer un récit à points de vue multiples, comme autant de témoignages directs. Le "je" épistolaire multiplié par quatre, rien moins que cela. L’exercice est périlleux : il faut accorder à chaque témoin une voix particulière, une façon de voir singulière et qui le distingue très vite des autres. Omission ou dissertation, emphase ou retenue : voilà de quoi montrer, de quoi vivre des mêmes événements avec autant de nuances que de protagonistes. Priest excelle à ce jeu où la subjectivité est une maîtresse captivante, généreuse en mensonges et demi-vérités.

Nolan a eu l’intelligence de choisir ce roman pour en composer un film original, aux rebondissements parfois plus cruels encore que ceux de Priest, évacuant de son scénario ce qui en aurait terni l’efficacité, compromis l’immersion : pas question de revenir au présent, par exemple et de s'intéresser aux descendants. Sa direction d’acteur a tiré le meilleur de comédiens au registre pas toujours très étendu - Christian Bale.  En metteur en scène bourré de talent, il a su créer une atmosphère tour à tour follement élégante, intrigante et enfin d’une profonde noirceur. Une œuvre et son adaptation qui se complètent et se valorisent : l’occasion est trop rare pour s’en priver.


Excellente traduction de Michelle Charrier.

A noter : Priest a tiré son histoire d'une confrontation bien réelle : celle qui opposa Giuseppe Pinetti et Edmont de Grisy.

lundi 15 octobre 2012

Le Cirque des rêves - Erin Morgenstern




De quoi ça parle ?
C’est un cirque et c’est un jeu.
Un lieu magique et itinérant, aux dizaines de chapiteaux plus extraordinaires les uns que les autres. Un producteur de spectacle britannique en est le créateur. Pourtant il ne lui prête pas vie : Célia Bowen et Marco Alisdaire s’en chargent. Deux jeunes gens, deux magiciens aux pouvoirs extraordinaires dans l'Europe du XIXe siècle finissant.
C’est un cirque et un défi. Célia et Marco en sont les adversaires malgré eux. Leurs mentors respectifs en ont décidé ainsi : ils devront s’affronter au travers de leurs créations, d’un chapiteau l’autre, de numéro en numéro. Jusqu’au bout. Du moins, telle est l’idée. Ce serait possible, si seulement les deux joueurs ne s’amourachaient l’un de l’autre, compromettant ainsi à la fois leur vie, celle de la grande troupe du cirque et du cercle plus large de ses admirateurs.


C'est comment ?
Morgenstern, dont c’est le premier roman, déploie un imaginaire gentillet, peuplé de personnages parfois sympathiques, souvent archétypaux. L’intrigue elle-même ne manque pas d’intérêt, malgré les nombreuses facilités qu’autorise l’usage intensif du surnaturel. Bien sûr, « c’est avant tout une formidable histoire d’amour ». Qui résiste à la volonté cruelle de deux vieux barbons, susceptibles, prétentieux et englués dans une guéguerre ancestrale dont les batailles sont toujours renouvelées. Aux dépends de leurs protégés.
Hélas, Morgenstern ne fait pas grand cas de l’époque ni des lieux où s’affairent ses protagonistes : Prague ressemble à Londres qui est semblable à Paris, Concord ou Boston. La magie ? Elle n’est jamais très définie, même si l’auteur s’évertue à nous affirmer combien celle qu’emploie Célia diffère de celle dont use Marco. Évidemment, le cirque et ses merveilles oniriques concentrent toute l’énergie de l’auteur. Ses idées tissent un univers un peu gothique, toujours magique, follement romantique. Mais la description des numéros qui attirent la foule de tous les continents finit par lasser. Heureusement, les chapitres brefs et un fil narratif parallèle donnent du rythme à un récit parfois flottant, comme en admiration devant ses propres tours, emporté par l’illusion d’un temps qui s’étire sans marquer la moindre ride sur les visages de ses personnages. D’ailleurs, les années défilent et rien ne change d’une représentation à l’autre, ou si peu…
Pourtant une menace pèse sur le cirque ; elle manque toutefois de noirceur pour inquiéter vraiment, et ses victimes se défendent et se rebellent sans trop d’énergie.
Voilà qui m’aurait bien moins gêné s’il ne s’agissait pas d’un roman adulte : le Cirque des rêves fait un ouvrage formidable pour les jeunes ados. Je m’attendais à autre chose. 
Et me prends à rêver quel cirque aurait mis Clive Barker dans cet univers certes élégant mais à la naïveté un peu convenue.

jeudi 11 octobre 2012

Un dernier verre avant la guerre - Denis Lehane



De quoi ça parle ?
Patrick Kenzie et Angie Genaro sont contractés pour retrouver une femme de ménage noire. Elle aurait disparu avec des documents confidentiels appartenant au gouverneur. Discrétion recommandée : ce sont les hommes de l’élu eux-mêmes qui commanditent le job. S’il imagine un plan pas cool, le couple de détectives privés ne se doute pas qu’il met les pieds dans une affaire si dramatique qu’elle déclenchera une guerre des gangs. Et cette question : faut-il honorer ses contrats ou se conformer à sa vision de la morale et de la justice ?  

C'est comment ?
Si vous n’avez jamais lu Denis Lehane, vous le connaissez sûrement : le cinéma a adapté Mystic River (une réussite crépusculaire de Clint Eastwood), Gone Baby Gone (un polar ennuyeux de Ben Affleck) et Shutter Island (le gâchis de Scorsese). Avec ce Dernier verre, il signait la première aventure de l’atypique et hard-boiled duo de détectives. Deux amis d’enfance : Kenzie craque depuis toujours pour sa collègue et celle-ci est maquée avec un troisième poto, assez violent pour lui laisser des bleus sur le visage. Kenzie n’est pas exempt de casseroles : son défunt père fut aux yeux de tous un pompier héroïque et au regard de Patrick une brute qui le frappa jusqu’à sa majorité. Y a des pompiers pyromanes. Autant dire qu’on n’est pas là pour rigoler, même si notre couple n’est pas avare de mots d’esprits.
Comme toujours chez Lehane, les tragédies de l’enfance expliquent les tourments brûlants d’aujourd’hui. Cette fois, le passé remonte via d’anciennes photos que deux chefs de gang et des politiciens pervers veulent à tout prix récupérer. Le récit, pas follement réaliste – nos tourtereaux platoniques ont les gangs les plus extrêmes de Boston sur le dos mais ça ne leur vaut que quelques bleus et une nuit blanche – est l’occasion pour Lehane de dépeindre les effets d'une ségrégation raciale qui perdure sans dire son nom. Comment lutter contre les méfaits du communautarisme ? Contre ce feu qui couve sous les braises d’une histoire soi-disant apaisée et qui avance malgré tous les efforts de pompiers humanistes : le racisme ? Explique-t-il toutes les violences ? Et surtout, les excuse-t-il ? L’auteur ouvre le débat, offre des armes aux participants et les regarde d’entre-déchirer. À la fin, aucun consensus ne sera trouvé.
À cette enquête simpliste on pourra préférer celle, plus tortueuse et moins politisée, de Ténèbres, prenez-moi la main. Aucun de ces deux romans n’atteint cependant la maîtrise de Shutter Island – mais là, il faut dire qu’on vole en pleine stratosphère. 

Two door cinema club



Un parapluie multicolore pour affronter l'automne un grand sourire aux lèvres. Célébrons à grands bonds, les pieds joints et la tête haute cette pépite au parfum estival. Oh et puis merde, si vous préférez disjoints et les cheveux au vent, c'est encore mieux.

lundi 8 octobre 2012

Rango - Gore Verbinski



Un lézard tombé malencontreusement de la voiture de ses propriétaires se retrouve en plein désert. Livré à lui-même. Seul havre à proximité : une ville façon farwest habitée par des animaux tous plus miséreux les uns que les autres. Presque une ville fantôme : l’eau y manque cruellement et une bonne partie de la population a plié bagages. Celui qui n’est pas encore Rango va s’inventer une identité héroïque, prendre les choses en main et chercher à résoudre l’énigme de la disparition de l’eau.

Un ramassis de poncifs, avec un scénario construit comme tant d’autres : à la recherche de son identité/crédibilité, Rango a des fantasmes de scène, de comédie. Affabulateur, il bâtit sa réputation auprès d’une population naïve et désespérée sur un fragile édifice de mensonges et de quiproquos. Une nouvelle identité enthousiasmante qui s’effrite subitement quand le pot-aux-roses est découvert. Après une phase d’auto-dépréciation aussi intense que brève, notre protagoniste se révélera authentiquement héroïque grâce aux propos édifiants d’un mentor. Il sauvera in fine la petite ville de sa déréliction tout en la débarrassant de son bad guy. Le tout sur fond d’expropriation, de corruption et d’abus de pouvoir. 

L'animation ? De la balle. ILM réalise là son 1er film d'animation et on pouvait compter sur eux pour soigner l'image. Mais la direction artistique, en particulier celles des personnages, ne m'a pas plu. 

La question que je me pose c’est comment arrive-t-on à se lancer sur un projet aussi long  et fastidieux – un film d’animation – avec un synopsis aussi convenu *. Sortant du succès planétaires de Pirates des Caraïbes, Gore Verbinski avait sans nul doute carte blanche pour réaliser ce film dont l’originalité semble ne tenir qu’aux propos pseudo philosophiques et pompeux de Rango, à une galerie de personnages tous plus pouilleux les uns que les autres et à quelques répliques scabreuses. Et si le film est truffé de références, elles ne suffisent pas à le rendre passionnant et encore moins singulier. Verbinski prépare un autre western, toujours avec Johnny Depp : The Lone ranger. Disney et Bruckheimer sont à la production d'un film au budget de 215 millions de $. Ce sera sans moi.

A noter : La musique très Morricone est signée Hans Zimmer... et par pas moins de six autres arrangeurs (et non des moindres pusique certains d'entre eux ont déjà composé des BO entières sous leur seul nom) et presque autant d'orchestrateurs. Rendons grâce à Zimmer de citer, ses collaborateurs, une pratique qu'il a été le premier à adopter. 

* Verbinski donne une réponse ici. Comme on pouvait s'en douter il y est question de spectacle familial, de budgets, de marges de profit et des attentes d'un public qui voudrait du neuf sans pouvoir dire quoi. 

vendredi 5 octobre 2012

Millenium tome 2 - Stieg Larsson



De quoi ça parle ?
Des meurtres, probablement liés à une enquête sur le commerce du sexe en Suède, mettent en route la machine médiatico-politico-judiciaire. Principale suspecte : Lisbeth Salander, l'héroïne asociale,  violente et supérieurement intelligente du tome 1. Problème, la jeune femme est introuvable. Même son ami et journaliste d'investion Blomkvist n'arrive pas à la contacter. Prouver son innocence reviendra à fouiner à la fois dans le passé trouble de la Suède et dans les mœurs pas toujours très cools de certains de ses citoyens les mieux nantis. 


C'est comment ?
Vous apprécierez ce roman si :
1/ vous n’avez rien contre les super héroïnes dans un thriller réaliste,
2/ ça ne vous dérange pas que le 1er meurtre prenne place bien loin des premières pages,
3/l’avalanche de détails triviaux comme le choix d’une pizza ou d’un meuble vous emballe,
4/vous trouvez cool que Stockholm soit une petite ville de province où tout le monde se croise juste quand il faut,
5/ vous aimez qu’un personnage, dont vous suivez le point de vue et les pensées pendant un bon moment, disparaît soudain parce que ça arrange bien l’auteur de retarder les infos que ledit perso vient de découvrir.

Ne vous y trompez pas pour autant : Millenium 2 est un roman formidable. Plus rythmé que le précédent, mu par une intrigue qui, certes, s’origine comme le tome 1 dans le passé mais se déroule au présent et dans une urgence très « thriller », il fait la part belle au suspense, à l’intelligence et à l’émotion.

Le journaliste d’investigation Blomkvist s’efface nettement au profit de Lisbeth Salander, héroïne aussi improbable qu’attachante, création puissante et couillue : il fallait au romancier une sacrée dose de confiance en son écriture pour insuffler une âme à un personnage flirtant avec l’autisme, tant la froideur, la retenue voire la violence ne sont guère propices à l’empathie. Mais Larsson a le talent de doser la glace et le feu pour composer une Lisbeth passionnante, à défaut d’être réaliste. Blomkvist n’a plus guère le temps de multiplier les conquêtes sexuelles : les vacances forcées mais pépères de sa 1ère aventure sont bien loin. Il perd même en consistance, au risque de devenir générique, laissant à d’autres protagonistes le soin de nous captiver. Petit tour de force de Larsson : ce sont les autres qui en parlent le mieux. Les points de vue de sa confère et maîtresse Erika Berger, de sa maîtresse et collègue Lisbeth Salander, de sa sœur ou des membres de son équipe de journalistes donnent une image fragmentée du bonhomme que le lecteur s’amusera à recomposer quand le récit lui en laissera le temps, c’est-à-dire pas souvent.

Cette fois les bad guys ont pris du muscle et plus question d’attendre la dernière partie du récit pour les voir en action : la menace, noire et tentaculaire, apparaît très vite, collant aux basques de tous les personnages. Le plus caricatural d’entre eux – un géant blond qui tue à mains nues et ne ressent aucune douleur – souffre d’hallucinations qui lui prêtent une étrangeté aussi romanesque que jouissive, aux franges du fantastique.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste et Larsson invente une galerie de flics, d’agents de sécurité, de journalistes, de juristes intéressants à rencontrer. L’un de mes échanges préférés est d’ailleurs tout à fait accessoire : l’interrogatoire express d’une technicienne du son par un flic homophobe. Savoureux.

L’un des personnages essentiel dont le romancier tire le portrait est, bien entendu, Millenium : une revue « politique » dont aimerait qu’elle existe par chez nous (ou bien est-ce notre XXI ?). Nul doute qu’il s’agit plus ou moins d’Expo, le titre où bossait Larsson avant de disparaître. Certes, la revue est le point de départ du drame à venir et chacun de ses membres jouera un rôle dans le schéma général. Elle est aussi la raison de vivre de plusieurs personnages, si bien que le métier de journaliste, bien pratique pour l’auteur de polar au même titre que celui de flic puisque il fait de l’investigation le cœur même de son activité tout en lui accordant les outils nécessaires à ses recherches, se trouve ici éclairé d’une impérieuse volonté de justice sociale. Une quête qui conduit les uns et les autres à  dénouer morale et dilemmes personnels.

Sans doute plus encore que dans le tome 1, Larsson, par ailleurs essayiste chevronné et spécialiste des mouvements d’extrême droite, profite de l’intrigue pour instruire son procès à charge contre une société suédoise bien moins permissive et féministe que l’on aurait pu l’imaginer vu d’ici, à épingler l'impéritie des services sociaux, à dénoncer le cynisme d'état. Fait-il bon vivre là-haut ? Soudain, le lecteur n’en est plus si sûr – ou bien à fermer les yeux sur tout un tas de dérives désagréables. Un parti-pris déjà choisi dans les années 60 par Maj Sjöwall et Per Wahlöö, précurseurs du polar suédois.

On peut suivre ce roman sans avoir lu le premier : Larsson est assez malin pour glisser ici et là les informations nécessaires à la compréhension des enjeux et des relations entre les protagonistes. La plus éblouissante de ces techniques est le long épisode qui raconte une Lisbeth en vacances dans les Caraïbes. La péripétie a l’heur à la fois d’installer du rythme alors même que l’intrigue principale est loin d’avoir débutée, et d’introduire l’ensemble des facettes de Lisbeth Salander là où il avait fallu naguère tout un roman : son intelligence très supérieure, sa sociabilité particulière – elle parvient toujours à fédérer quelques bonnes âmes autour d’elle malgré un caractère intraitable et une forme avérée de solitude – sa moralité singulière que sert, si nécessaire, sa violence extrême.

Tant et si bien que l'on trouvera dans ce tome 2 tout ce qui fait d’un roman de genre une expérience totale : une intrigue principale passionnante, du rythme, des dialogues bien troussés, des fils épars toujours renoués, une héroïne inoubliable, des personnages secondaires crédibles, la description jamais appuyée des mécanismes des métiers d’investigation et, en creux, le portrait en clair-obscur d’une société moins « modèle » que l’on ne le répète de ce côté de la Baltique.