dimanche 11 novembre 2012

Sur la plage de Chesil - Ian McEwan




De quoi ça parle ?
Florence, jeune et talentueuse musicienne et Edward, étudiant en histoire, viennent de se marier. Leur première nuit de noces prend place dans le décor suranné d’un hôtel du Dorset. Ils se connaissent depuis un an. Ils n’ont jamais fait l’amour. On est en 1962. Ça ne va pas très bien se passer.

C’est comment ?
Roman bref, nos voisins diraient novela, Sur la plage de Chesil est une évocation de l’esprit qui régnait dans la classe moyenne anglaise, au tout début des années 60, dès lors que le mariage et ses corollaires marquaient la vie des jeunes adultes. La description de cette invraisemblable chape de plomb qui pesait sur les relations sexuelles. No sexe before mariage. On sent qu’on va s’amuser.
Le récit se concentre sur cette horrible nuit de toutes les peurs, où le dégoût de Florence le dispute à l’impatience d’Edward, où le moindre geste est un malentendu que rien jamais ne viendra dissiper. Car la colère est la mauvaise conseillère que l’on sait et que la fierté est trop vite bafouée à une époque où la morale interdit d’évoquer ses faiblesses, ses craintes.
Avec un peu de maladresse, McEwan explique que cette nuit-là, si dramatique, ne pourrait avoir lieu qu’en ces temps désormais si lointains. D’ailleurs, il paraîtrait un peu vain de s’attacher à ces tourments qui sont, aujourd’hui, ceux d’adolescents et non de jeunes mariés, si McEwan ne faisait de son récit un formidable double portrait. En alternant les points de vue sur une même scène, il démonte la boîte à méprises qu’est l’âme humaine pour en montrer les horribles rouages.
McEwan profite aussi de cette nuit pour revenir sur les circonstances de cet amour, ses origines, le contexte de son épanouissement. Présenter le contexte familial dans lequel ont baigné ces deux êtres si différents par certains aspects (leur préférences) et si proches par d’autres (leur méconnaissance de la sexualité), c'est dévoiler les effets délétères du désir sexuel et des attentes conjugales lorsqu’ils demeurent innommés ou, à tout le moins mal formulés. 
Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Et tant d’autres en ont parlé avant lui. Il n’empêche que l’écriture de McEwan, son art consommé du rythme et de la description tant psychologique que naturaliste, crée sans cesse une tension qui pousse à précipiter la lecture pour connaître le dénouement de cette crise.
C’est aussi la force de la littérature que de créer l’attente, le suspense, sans le recours au meurtre et aux mécanismes qui l’induisent, le résolvent et l’absolvent. Une simple dispute y parvient parfois, pourvu qu’elle soit décrite avec talent et que ses acteurs soient aussi crédibles qu'attachants. 

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