lundi 14 mai 2012

Un Jour - Dave Nicholls


Le 15 juillet 1988, c’est la remise des diplômes à la fac d’Edimbourg. S’ils se sont tournés autour toute l’année, Dexter Mayhew et Emma Morley ont attendu ce moment pour passer la nuit ensemble. Une nuit à s’embrasser, se confier, déconner un peu, se découvrir sans totuefois « le » faire. Dex est un fils de bonne famille, beau gosse, assez branleur et sûr de lui ; sa culture générale avoisine le néant. Issue d’un milieu modeste, Em s’auto-déprécie sans cesse malgré son intelligence, son physique charmant et son humour. Il est aussi frivole qu’elle s’évertue à se partager ses colères politique. Leur aventure est sans lendemain et ils en sont persuadés. D’ailleurs, Dex n’a-t-il pas tenté de fuir pendant le sommeil de la jeune femme, bien qu’il la trouve irrésistible ? Emma ne s’empresse-t-elle pas de manifester son cynisme malgré son amour pour le jeune homme ? La fac achevée, Dex s’éclatera dans un long voyage autour du monde, Emma accompagnera une troupe de théâtre assez minable et politisée avant d’assurer le service dans un resto mexicain. Mais malgré la distance, ces deux-là ne se quitteront jamais vraiment. Même quand Dex deviendra un parfait salopard tout en animant, toujours bourré, des émissions TV sur une chaîne nationale et collectionnant les femmes. Même lorsqu’Emma, prof au collège, se maquera avec un ancien collègue de resto, humoriste pathétique et sans charme, et qu’elle se prendra les confidences de Dex comme autant de gifles humiliantes.
Côté structure, Nicholls a opté pour le gimmick* en ne posant son regard sur ces « meilleurs amis du monde » que le 15 juillet de certaines années. Pour artificiel qu’il puisse sembler de prime abord, ce choix jette une lumière crue sur le temps qui passe et fait de chaque journée contée un événement d’une intensité foudroyante et comme définitive sous l’apparence de la banalité, du quotidien. La fin du roman lui donnera toute sa justification.
Côté style, c’est la comédie dramatique qui impose son alternance de bons mots et d’échanges acerbes, de situations burlesques et de moments tragiques. Avec un humour qui m’a tiré des éclats de rire en publique et une émotion qui a anéanti ma bonne humeur. Oh bien sûr, Nicholls n’évite pas un certain nombre de clichés ; après tout, on navigue en pleine romance. Mais une romance douce-amère, étirée sur vingt années d’occasions manquées, de doutes, de malentendus et de retrouvailles plus ou moins réussies. De tendresse aussi, de descente aux enfers, de petits arrangements pas folichons. Il est question de passage à l’âge adulte, d’amitié – beaucoup –, de libre-arbitre, de conditionnement social – un peu –, de rédemption, de sincérité mais celle que l’on accorde autant à soi-même qu’à autrui. Car l’existence, on le sait en franchissant la quarantaine, n’a pas la moindre pitié : compter sur elle pour rattraper nos erreurs est la meilleure des choses à faire si l’on veut manquer les rares opportunités de la réussir. Et nos protagonistes l’apprendront à leurs dépens.
Tout ne m’a pas séduit dans ce roman à la fois fin et simple, et, après m’être enthousiasmé pendant 200 pages, j’ai cru que Nicholls avait passé la main à un confrère moins doué. Et puis que se trouvent-ils, ces deux tourtereaux, pour prolonger deux décennies durant le fantasme d’une relation amoureuse sereine et enthousiasmante, alors que d’évidence, tout les sépare ? Sur cette motivation originelle, essentielle, Nicholls peine à convaincre, s’appuyant sur le non-dit de ses innombrables ellipses – 364 par an, en quelque sorte.
Du moins jusqu’à la fin, absolument bouleversante.
Pas étonnant que plus d’un million de Britanniques aient craqué pour Un Jour…
*Nicholls a tiré ce principe d’un passage du roman de Thomas Hardy, Tess d’Uberville, lu à l’adolescence. Il en a depuis écrit une adaptation pour la BBC.

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