dimanche 24 juillet 2011

Spin, de Robert Charles Wilson


C'est quoi, de qui, chez qui ?
Spin, de Robert Charles Wilson. Collection Lune D'encre - Denoël

De quoi ça parle ?
Imaginez qu'une nuit, les étoiles disparaissent. Toutes. Ah, et la Lune aussi tant qu'on y est. Trois gamins sont témoins de ce phénomène inquiétant : le narrateur et ses meilleurs amis, des jumeaux. Le lendemain matin, le soleil est, lui, bien en place. Mais il semble artificiel. Et puis tous les satellites en orbite géostationnaire sont retombés sur terre. D'ailleurs, qu'on envoie une fusée et elle chute aussitôt. L'espace est-il devenu infranchissable ?
Pas vraiment.
Les scientifiques découvrent très vite la cruelle vérité : la Terre est à l'abri d'un champ de force phénoménal. Au-delà, le temps s'écoule à très grande vitesse. 1 seconde sur terre = 3h dans l'espace.
C'est le Spin.
Ce qui signifie, parmi une foultitude de conséquences plus ou moins funestes, que la mort du soleil interviendra dans quelques décennies.
Jason, l'un des jumeaux, deviendra le scientifique spécialiste de ce phénomène. Le narrateur, son médecin personnel. Tout aussi terrifiée que la plupart des humains, Diane, la soeur jumelle, choisira la voie de la foi religieuse pour se colleter à ce Spin.
Au plus proche de ses personnages, le roman raconte à la première personne les trente années de ce bouleversement.

C'est comment ?
Extraordinaire.
Wilson installe un changement à la fois majeur et lointain pour explorer l'âme de ses protagonistes. Fermement ancré dans le réel, l'ici et maintenant, il relègue la hard science au 2nd plan sans toutefois s'en débarrasser d'une pirouette. Ce qui l'intéresse - et nous passionne par la même occasion - est cet improbable trio composé d'un homme admiratif d'un voisin surdoué et amoureux au long cours de sa soeur jumelle.
Malin, Wilson leur a imposé des rapports singuliers : orphelin de père, Tyler habite au bout du jardin des jumeaux ; sa mère est la domestique N°1 de cette famille aux revenus confortables et que le Spin va démesurément enrichir. Elle ne les a pas toujours servis : avant de disparaître, son époux ingénieur était associé au père des jumeaux. Autant dire que les rapports de domination affleurent tout au long du récit, incarnés par ledit père, un homme trop fier de son fils pour ne pas mépriser le reste de son entourage.
Telle est la situation de départ. Wilson la développe avec une grande finesse d'observation. Ses descriptions d'une humanité s'efforçant d'oublier une délirante épée de Damoclès sont tout aussi minutieuses, inquiétantes. Il passe avec une égale maîtrise du psychologique au sociologique, du micro au macro. Il émeut sans sombrer dans le pathos. Il ne perd pas son thème SF en cours de route et n'en fait pas un simple prétexte pour se pencher sur des personnages en mal d'affection, de relations : il l'entretient, le pousse au bout de sa logique mi destructrice, mi constructive. Il l'envoie même sur Mars. Et il n'oublie jamais d'accrocher le lecteur avec assez de tension, de suspense pour qu'il ne repose le livre qu'à regret.
Moi, j'appelle ça un chef d'oeuvre.

Reste à savoir si sa suite Axis est à la hauteur. Un 3e volume vient de paraître aux US ; il clôt ce cycle.

C'est bien : tout.
C'est moins bien : ?

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