mercredi 27 juillet 2011

Seul le silence



C'est quoi, de qui, chez qui ?
De quoi ça parle ?
Joseph Vaughan, écrivain à succès, tient en joue un tueur en série, dans l’ombre duquel il vit depuis bientôt trente ans. Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps horriblement mutilé d’une fillette assassinée. La première victime d’une longue série qui laissera longtemps la police impuissante. Des années plus tard, lorsque l’affaire semble enfin élucidée, Joseph décide de changer de vie et de s’installer à New York pour oublier les séquelles de cette histoire qui l’a touché de trop près. Lorsqu’il comprend que le tueur est toujours à l’œuvre, il n’a d’autre solution pour échapper à ses démons, alors que les cadavres d’enfants se multiplient, que de reprendre une enquête qui le hante afin de démasquer le vrai coupable, dont l’identité ne sera révélée que dans les toutes dernières pages. (description de l'éditeur)

C'est comment ? Ellory est un petit malin. Au début, il nous fait le coup du thriller à base de meurtres sexuels sur des petits nenfants tout mignons, histoire appâter l’amateur de choses horribles-qu’on-voudrait-repousser-mais-qu’on-peut-pas. C’est qu’on mijote dans la Géorgie d’avant guerre, une moiteur qui fait suer la misère comme nulle part. Le drame est là, suintant à chaque page comme un morceau de saindoux au soleil. Du moins, on s’y attend puisque Joseph/le narrateur n’a de cesse de nous répéter que ce jour-là, ou le suivant, ou un paquet d’entre eux tout compte fait, marquera le tournant irrémédiable et funeste de sa vie. C’est vrai qu’il va les accumuler, les horreurs, le pauvre gosse. Et l’adulte ne sera guère mieux loti.
Ellory est un petit malin ou alors c’est son éditeur français, Sonatine. Un thriller ? Mais alors du lent, du très lent. Certes, on est bien du point de vue de la victime, du témoin *. Pour le reste, on est plutôt dans une fausse autobiographie un peu sur-écrite. Un témoignage dont le pathos, l’emphase littéraire trouve son explication dans le métier dudit narrateur : écrivain. C’est pas bête et c’est pratique. Au moins autant que les jobs de flic ou de journaliste pour qui veut plonger son héros dans le cambouis dès le début de l'intrigue et à moindre frais. Ellory est un grand bavard et du genre talentueux - quand il ne réemploie pas jusqu'à la lie la métaphore du poing fermé. N’empêche, je lui aurais bien découenné son roman d’une centaine de pages. Hop ! Passez-moi ça au rameur, jeune homme. Et vous enchaînerez avec une heure sur le stepper. Cette surabondance Ellory m’en a définitivement convaincu au moment où le narrateur anticipe et imagine ce que pourra être une rencontre avec un personnage clef. « Et on se dirait si, et on ferait ça ». Et ça prendrait dix pages.
Et moi je les aurais sautées parce que je préfère savoir ce que donnera cette rencontre plutôt que de lire ce qu’elle ne sera pas. Au moins, c’était vers la fin.
Si votre truc, ce sont les enquêtes policières, la quête obsessionnelle de l’indice, les interrogatoires, la médecine légale, les hypothèses à foison des mobiles du tueur, passez votre chemin car vous ne saurez rien. ** Si vous aimez le mélo à la sauce ploucs US, avec des morceaux de bravoure littéraire bien noirs et visqueux, ne changez pas de voie. Un thriller, non. Un roman noir, incontestablement. Avec une langue et du souffle.
Hélas, je sortais de Spin, de Wilson. Qui, avec une plus grande économie de moyens, parvenait à créer des personnages aussi touchants sinon plus.
Maintenant, je suis curieux de voir à quoi ressemblent ses romans plus contemporains et, si j'ai bien compris, plus policiers.
Filez sur le site de la revue ALIBI pour écouter/lire une interview de ce grand bonhomme d’Ellory.
* C’est ainsi que Boileau-Narcejac définissait ce sous-genre des littératures noires. Avec, en chef de fil, William Irish.

** Ellory, dans une interview accordée au Concierge Masquée : Pour moi, Seul le silence est un livre émotionnel. Ce n’est pas un roman policier à proprement parlé mais plutôt un drame humain où les meurtres occupent une place secondaire afin de créer un effet sur les gens, qui se sentent alors indirectement associés aux meurtres.

3 commentaires:

David Boidin a dit…

Merci pour cet avis, Erik.

Une autre interview de RJ Ellory sur le blog du concierge masqué : http://www.concierge-masque.com/2011/06/02/interview-de-r-j-ellory-les-anonymes/

As-tu reçu mon invitation sur ta page Facebook envoyée il y a quelques jours ? Je pose la question, aussi, parce qu'il y a un rapport direct avec l'auteur dont au sujet duquel il est question ici même. ;-)

Erik Wietzel a dit…

Merci David pour le lien : itv très intéressante.
Réponse en MP pour le reste :-)

David Boidin a dit…

Merci Erik !