lundi 31 mars 2014

Swap - Antony Moore ; trad. Jean Esch

Description de l'éditeur :

Un simple échange entre enfants. Pas un timbre-poste, ni un jouet, ni un autocollant. Une BD, échangée contre un banal tuyau en plastique. Un acte anodin au départ. Mais avec le temps, le Superman numéro un a pris une immense valeur. Et Harvey, devenu libraire, de bandes dessinées justement, ne rêve que de le récupérer. C'est même une obsession, le seul but de sa vie d'adolescent attardé : retrouver ce comic rarissime... Mais après toutes ces années d'attente, son scénario longuement mûri va dérailler, et il se retrouvera pris dans un imbroglio impitoyable.
Voilà une comédie noire, dont la traduction de Jean Esch, spécialiste du thriller et que j'ai "rencontré" avec les ouvrages de Clive Barker et Patricia Cornwell, rend joliment les métaphores, la légèreté de ton, l'apathie un peu bougonne de son protagoniste principal : Harvey Briscow. On sourit beaucoup, on s'inquiète un peu. Et au bout d'un moment, on se demande où l'auteur veut en venir. Car le roman n'est pas exempt de maladresses, voire de faiblesses qui m'ont distrait de l'intrigue.

Moore impose à Harvey un comportement qui est une ficelle habituelle, et un peu lassante, de certains thrillers : plutôt que de rapporter aux autorités un meurtre, le protagoniste perd les pédales en décidant de garder pour lui sa macabre découverte, tout en conservant assez de lucidité pour dissimuler toute trace de sa présence sur les lieux. Le récit commence avec une certaine mesure de réalisme, de vérité même dans le portrait de sa galerie de loosers - Harvey retrouve d'anciens lycéens lors d'une réunion annuelle dans une ville de Cornouailles - pour l'abandonner quand cela semble l'arranger. J'ai fini par accepter me trouver dans une pure comédie mais ce renoncement n'a pas été sans dommage pour l'intérêt porté à l'intrigue elle-même. Comme si le décalage entretenu entre le comique et la situation plus dramatique ne fonctionnait plus passées les deux tiers du roman - 2/3, c'est déjà pas mal me direz-vous.

Autre petit regret : après un long moment, l'auteur qui avait jusque là suivit Harvey et lui seul, adopte un nouveau point de vue, le temps de quelques paragraphes. Un changement pas très heureux, déstabilisant mais de manière involontaire - mais où était l'éditeur ?

Au début plutôt sympathique, Harvey Briscow s'avère peu à peu minable et un singulier suspense naît progressivement : Moore parviendra-t-il à lui accorder un peu de crédit ou bien l'enfoncera-t-il toujours plus loin dans une beaufitude exaspérante ? En fait, Harvey n'évoluera pas de toute sa brève et traumatisante mésaventure. L'amour ni l'expérience de la mort ou l'exercice du mensonge ne le feront évoluer. Changer plus longuement et plus souvent de point de vue n'aura pas été une mauvaise idée. Mais peut-être Moore voulait-il simplement décrire les effets délétères de la bêtise lorsqu'elle s'avère constante. Finalement, McEwan ne fait pas autre chose avec le Mike Beard de Solaire.

Ne vous méprenez pas, Swap est divertissant, en grande partie grâce à sa légèreté, son invention comique - les rapports entre le héros, patron d'une boutique de comics, et son employé m'ont d'ailleurs fait penser à celles qu'entretient le personnage du "Haute-Fidélité" de Nick Hornby avec son propre vendeur. C'est un premier roman et il y a en germe une verve noire et moqueuse qui ne demande qu'à être développée le long d'une intrigue moins convenue.

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