lundi 24 février 2014

Le Vent se lève - Hahayo Myazaki




Annoncé par son auteur comme son dernier film, et dans lequel on serait tenté de lire comme un testament visuel et narratif, Le Vent se lève évoque de manière très romancée la vie et l'oeuvre de Jiro Horikohi, ingénieur en aéronautique dans le Japon des années 20 et 30.

Doux rêveur myope et volontaire, Jiro fait de son amour pour les avions le moteur de toute une existence. La rencontre d'une jeune femme, Nahoko, lors du tremblement de terre de 1923, ne bouleversera vraiment son existence que bien plus tard, lorsqu'ils se croiseront de nouveau... pour ne plus se quitter. Du moins jusqu'à ce que la tuberculose ne vienne mettre son grain de sang dans une relation qu'aucun nuage n'aurait dû assombrir.
Cette romance est en fait inspirée d'un livre de Tatsui Hori intitulé Le Vent se lève – un titre tiré d'un vers de Paul Valery, vous suivez toujours ? - et qui met en scène une héroïne tuberculeuse.

Le scénario que Myazaki tire de ces deux trames est un plaidoyer pacifiste, le portrait inhabituel d'un Japon pauvre et aux abois, incapable semble-t-il de tenir tête à l'Occident – l'ami et collègue de Jiro ne cesse de pester contre ce retard économique et technologique – un mélodrame, une évocation des progrès en aéronautique, le récit d'une amitié, une rêverie empreinte tour à tour d'espoir de de mélancolie, d'humanité et de bêtise – le chef de service du jeune ingénieur incarnant cette oscillation avec brio  une success story, une prophétie annonçant l'enfer à venir, c'est à dire l'entrée en guerre du Japon contre les Etats-Unis.

Myazaki a de toute évidence écrit un film pour adultes, même si le scénario en lui-même n'a rien pour choquer ou perdre les plus jeunes spectateurs. Sinon par sa durée et son rythme lent, pour ne pas dire lénifiant.

Le réalisateur du Voyage de Shihiro multiplie les scènes de rêve, au cours desquelles l'ingénieur rencontre un mentor imaginaire en la personne de Caproni, génial inventeur italien, fantasque et familier, joyeux et jacasseur. Il poussera toujours le jeune homme vers sa passion, lui donnera aussi l'occasion de s'interroger sur les conséquences de ses travaux, autrement dit leur détournement par l'armée, la chose guerrière, la destruction. Une interrogation sinon factice du moins un peu légèrement évacuée.
A mon sens un moyen de laver sa mauvaise conscience à bon compte car en ces années-là, l'empire ne laisse aucune ambiguïté quant à ses humeurs va-t-en-guerre : Jiro sait très vite où il met les pieds quand il intègre les usines d'aviation. Mais sa passion passe avant tout, et pendant un temps elle mettra même sa fiancée de côté.

L'histoire que met en place Myazaki ne manque pas d'ambition, tant d'un point de vue historique que social, humain et affectif. Pourtant, je me suis ennuyé à mourir pendant presque tout le film.

La 1ère scène de rêve, magnifique et puissante, me donnait à penser que le réalisateur établirait plus franchement l'imaginaire. Mais non, ce n'était bien qu'un cauchemar, d'une très forte invention visuelle mais tout aussi unique. A bien des moments j'ai regretté que le scénario n'ait pas été tourné avec des acteurs évoluant parmi des décors réels ; le sujet et son traitement s'y prêtaient parfaitement, alors que l'anime, avec ses défauts d'animations, ses raccourcis visuels, ne fait qu'en ternir l'éclat, en diminuer l'impact dès lors qu'il tend au réalisme. Le film aurait alors pris une toute autre dimension. J'en aurais conservé une profonde impression de mélancolie, un sentiment de colère aussi, nourrie par l'injustice constante que subit une génération qui s'apprête à basculer dans la guerre, alors qu'il ne m'en reste rien que quelques plans, quelques audaces, quelques instants de grâce.
Le cinéma d'aujourd'hui a tout à fait les moyens de raconter cette histoire. On pourra ne pas être d'accord et si tel est le cas, n'hésitez pas à le dire dans les commentaires.

J'ai un peu regretté aussi, mais c'est un détail, les bruitage de machine. Sans doute pour leur conférer le caractère organique, charnel que Jiro attribue à ses créations les moteurs sont représentés par des bruits de voix humaines à peine retravaillées. La musique ne me plaît pas non plus et le caractère un peu désuet de ses orchestrations m'a plus exclu des moments de drame ou de tendre intimité qu'elle ne m'y a convié.

Chose rare, voilà un film que j'aurais sans aucun doute plus apprécié chez moi, sur un plus petit écran. Comme j'aurais vu la plupart des Myazaki d'ailleurs.

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