Annoncé par
son auteur comme son dernier film, et dans lequel on serait tenté de lire comme un testament visuel et narratif, Le Vent se lève évoque
de manière très romancée la vie et l'oeuvre de Jiro Horikohi,
ingénieur en aéronautique dans le Japon des années 20 et 30.
Doux rêveur myope et volontaire,
Jiro fait de son amour pour les avions le moteur de toute une
existence. La rencontre d'une jeune femme, Nahoko, lors du
tremblement de terre de 1923, ne bouleversera vraiment son existence
que bien plus tard, lorsqu'ils se croiseront de nouveau... pour ne
plus se quitter. Du moins jusqu'à
ce que la tuberculose ne vienne mettre son grain de sang dans une
relation qu'aucun nuage n'aurait dû assombrir.
Cette
romance est en fait inspirée d'un livre de Tatsui Hori
intitulé Le Vent se lève – un titre tiré d'un vers de Paul
Valery, vous suivez toujours ? - et qui met en scène une
héroïne tuberculeuse.
Le scénario que Myazaki tire de
ces deux trames est un plaidoyer pacifiste, le portrait inhabituel
d'un Japon pauvre et aux abois, incapable semble-t-il de tenir tête à
l'Occident – l'ami et collègue de Jiro ne cesse de pester contre
ce retard économique et technologique – un mélodrame, une
évocation des progrès en aéronautique, le récit
d'une amitié, une rêverie empreinte tour à tour d'espoir de de
mélancolie, d'humanité et de bêtise – le chef de service du
jeune ingénieur incarnant cette oscillation avec brio – une success
story, une prophétie annonçant l'enfer à venir, c'est à dire l'entrée en guerre du Japon contre les Etats-Unis.
Myazaki a de toute évidence écrit
un film pour adultes, même si le scénario en lui-même n'a rien
pour choquer ou perdre les plus jeunes spectateurs. Sinon par sa
durée et son rythme lent, pour ne pas dire lénifiant.
Le réalisateur du Voyage de
Shihiro multiplie les scènes de rêve, au cours desquelles
l'ingénieur rencontre un mentor imaginaire en la personne de
Caproni, génial inventeur italien, fantasque et familier, joyeux et
jacasseur. Il poussera toujours le jeune homme vers sa passion, lui
donnera aussi l'occasion de s'interroger sur les conséquences de ses
travaux, autrement dit leur détournement par l'armée, la chose
guerrière, la destruction. Une interrogation sinon factice du moins
un peu légèrement évacuée.
A mon sens un moyen de laver sa
mauvaise conscience à bon compte car en ces années-là, l'empire ne
laisse aucune ambiguïté quant à ses humeurs va-t-en-guerre :
Jiro sait très vite où il met les pieds quand il intègre les
usines d'aviation. Mais sa passion passe avant tout, et pendant un
temps elle mettra même sa fiancée de côté.
L'histoire que met en place
Myazaki ne manque pas d'ambition, tant d'un point de vue historique
que social, humain et affectif. Pourtant, je me suis ennuyé à
mourir pendant presque tout le film.
La 1ère scène de rêve,
magnifique et puissante, me donnait à penser que le réalisateur
établirait plus franchement l'imaginaire. Mais non, ce n'était bien
qu'un cauchemar, d'une très forte invention visuelle mais tout aussi
unique. A bien des moments j'ai regretté que le scénario n'ait pas
été tourné avec des acteurs évoluant parmi des décors réels ;
le sujet et son traitement s'y prêtaient parfaitement, alors que
l'anime, avec ses défauts d'animations, ses raccourcis
visuels, ne fait qu'en ternir l'éclat, en diminuer l'impact dès
lors qu'il tend au réalisme. Le film aurait alors pris une toute
autre dimension. J'en aurais conservé une profonde impression de
mélancolie, un sentiment de colère aussi, nourrie par l'injustice
constante que subit une génération qui s'apprête à basculer dans
la guerre, alors qu'il ne m'en reste rien que quelques plans,
quelques audaces, quelques instants de grâce.
Le cinéma d'aujourd'hui a tout à
fait les moyens de raconter cette histoire. On pourra ne pas être
d'accord et si tel est le cas, n'hésitez pas à le dire dans les
commentaires.
J'ai un peu regretté aussi, mais
c'est un détail, les bruitage de machine. Sans doute pour leur
conférer le caractère organique, charnel que Jiro attribue à ses
créations les moteurs sont représentés par des bruits de voix
humaines à peine retravaillées. La musique ne me plaît pas non
plus et le caractère un peu désuet de ses orchestrations m'a plus
exclu des moments de drame ou de tendre intimité qu'elle ne m'y a
convié.
Chose rare, voilà un film que
j'aurais sans aucun doute plus apprécié chez moi, sur un plus petit
écran. Comme j'aurais vu la plupart des Myazaki d'ailleurs.
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