photo : Super Gourou
Adapté au cinéma 10 ans après
sa publication par Paul Schrader, Un Bonheur de rencontre – The Comfort of strangers en VO
– est un court roman, une novella qui laisse un goût amer une fois
tournée la dernière page. L'amertume d'une intrigue noire.
Venise, sous le soleil. Un couple
d'anglo-saxons bobo – deux comédiens, elle est mère de famille
séparée, ils ne sont pas mariés, s'ennuient entre deux promenades
frustrantes. Sept ans après leur rencontre, tout semble les conduire
à des crispations réciproques, une litanie de petits agacements et
de reproches subséquents. Leur vie sexuelle en a pris un coup, bien
sûr. Si seulement ils n'avaient pas ce billet d'avion qui les
contraint à vivre l'humiliation d'un séjour raté, ils seraient
déjà rentrés.
Puis voilà qu'au hasard des
ruelles, alors qu'ils se sont perdus pour la énième fois, un
Italien les accoste et les entraîne vers le bar dont il est le
patron. Une cave fréquentée par les seuls autochtones. L'homme est
une figure du quartier apparemment. Et il ne manque pas d'autorité
ni de charisme. Inquiétant ? Oui, sans doute un peu.
Le lendemain, Colin et Mary errent
assoiffés dans la ville, après leur nuit d'ivresse en compagnie de
Robert, l'Italien. Robert les retrouve par hasard et les invite chez
lui, dans son palais vénitien. Ils font alors la rencontre de
Caroline, l'épouse. Une femme blessée, souffrant continuement du
dos, au verbe rare et lent. Enfants de diplomates, ils se fréquentent depuis
leur enfance. Bardé d'une éducation très
stricte, Robert s'avère un être odieux, prince d'une maison au
riche décor et d'où sa femme ne sort jamais.

Toutefois ils évitent d'évoquer Robert et
Caroline, sans doute pour ne pas gâcher cette intimité retrouvée,
ne pas la couvrir de l'ombre de ce couple atypique. Pourtant, ils
comprennent que quelque chose ne tournent pas rond chez leurs hôtes
d'un soir. Ils concluent rapidement que Robert bat Caroline. L'homme n'a-t-il
pas frappé Colin, à l'insu des femmes et comme par jeu ?
Peut-être motivés par une
curiosité malsaine autant que le souhait de sauver Caroline, les
deux Anglais retournent chez les Italiens, au retour d'une après-midi
sur la plage. Caroline se met alors en tête de raconter à Mary la
nature de sa relation avec Robert, tandis que les hommes font un tour
dans le bar souterrain de l'Italien, avant de rejoindre les femmes pour un ultime dîner. Mais leur soirée est loin
d'être achevée.
Je l'avais compris avec Sur la
plage de Chesil et Amsterdam, Ian McEwan ne laisse pas beaucoup de
chance à l'amour conjugal de s'épanouir dans la joie. L'amitié n'est
pas plus une sinécure et un fatalisme noir, entretenu par la cruauté
plus ou moins volontaire et consciente de ses protagonistes, clôt
ses récits, comme une porte sur un cachot aveugle.
La conclusion de l'intrigue est
sans doute tirée par les cheveux, comme l'était à mon sens celle
d'Amsterdam. Elles contredisent l'effort de réalisme, le détail
dont McEwan cisèle ses portraits. La forme plus ou ténue d'humour que
l'on retrouve dans ces trois romans le rapproche des clichés de
Martin Parr.
Un regard distancié et plein de
talent, bien transcrit par la traduction de J.O. Carasso où la description patiente du décor – dépourvu ici du
moindre nom propre de lieu – installe un malaise croissant,
jusqu'au dénouement cruel.
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