mercredi 3 novembre 2010

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu




Quelle raison a bien pu me pousser à voir le dernier Woody Allen? Une averse insistante ? Je veux dire, il y a longtemps que le scénariste a tout dit, sans même parler de l'acteur. Chouchou des bobos – sorte de clan vaste et mou dont je fais partie à mes heures, je ne vais pas me débiner – Allen poursuit sa route d'un métrage à l'autre, sans autre souci narratif que cette sempiternelle démonstration : les jeux de l'amour ne sont que le paravent joliment décoré d'âmes lâches et torturées. Dit autrement : love-story, c'est faux-semblants, désillusions et compagnie.

Et Allen, il démontre, démontre et démontre encore avec pour outil une inspiration plutôt défaillante. Résumer la trame de ce Bel et sombre inconnu ? Galeriste d'art en instance de divorce, écrivain best-seller sirotant sa bière en attendant le verdict de son éditeur, retraité millionnaire carburant au Viagra : on souffre dans les beaux quartiers new-yorkais, euh, pardon- londoniens. Ou parisiens ? Arf, j'ai un doute, soudain. Affres de la création littéraire, malentendus vaudevillesques : la bourgeoisie s'ennuie en parlant beaucoup, en faisant peu. Comme à l'accoutumée, le défilé de stars tient lieu chez Allen de trouvailles scénaristiques. Pas bête : paraît qu'on se bouscule pour intégrer dans sa filmo un film du tragi-comédien de Manhattan. Désolé les copains, fallait y penser il y a vingt ans, quand le maître avait du neuf dans son stylo.

Cette fois, Naomi Watts, Anthony Hopkins, Josh Brolin, Antonio Banderas s'y collent. Hopkins campe avec le talent qu'on lui connaît un vieux riche paumé, affolé à l'idée de voir ses derniers moments de virilité s'enfuir à jamais. Les autres ont bien plus de mal à incarner des dialogues sans verve, qu'une voix off aussi désuète qu'intrusive commentent ici et là. Tout de même : Lucy Punch, improbable escort-girl au fort accent populaire, est la principale lumière de ce casting. Ah, la prostitué au grand cœur… Comme je suis sympa, je vais dire que c'est un motif récurrent d'Allen.

Autre élément réjouissant à compter dans la colonne "réussites" : pas un personnage n'est à sauver. Moralement, s'entend. Pour un peu, on se croirait dans une comédie dramatique britannique (London ! It all makes sens now...) tant chacun dévoile à un moment ou un autre une facette peu salubre de son caractère, des motivations moisies. J'adore.

En somme, voir le dernier Woody Allen, c'est comme retourner sur les lieux d'une colonie de vacances aujourd'hui abandonnés : les murs sont toujours là, la lumière n'a pas changé mais il n'y a plus personne pour jouer avec vous. Pourquoi donc s'infliger le spectacle d'un scénariste-réalisateur qui tourne en boucle, qui de son propre aveu ne passe pas plus de deux mois à écrire un scénario et tourne quoiqu'il arrive une fois l'an ? Allez, sans doute parce que son méconnu et décrié Rêve de Cassandre m'avait ému.

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