vendredi 20 juillet 2012

Suite corse - 2


Marie a quarante-cinq ans depuis deux jours. Elle a beau peser dix kilos de moins que sa fille, chaque fois qu’elle la regarde elle se dit qu’elle aurait aimé lui ressembler au même âge. L’assurance avec laquelle elle porte les bijoux que son mari lui a offerts. Son enthousiasme pour ces vacances à St-Cyprien. Sa décontraction dans l’éducation de son bébé de vingt-et-un mois. Marie, elle, était toujours inquiète avec Sophia. C’est même là qu’elle a commencé à fumer.
La femme tâche de s’intéresser à son petit-fils ; il est beau, il est éveillé. Mais à sa courte honte, elle doit admettre qu’il l’ennuie. Elle ne l’aime pas vraiment. Il deviendra un homme semblable à tous les autres, semblable à ceux qu’elle a connus : obsédé par ses charmes, égoïste, inapte à l’amour et, au final, aussi veule que prétentieux.
Sophia lui parle de son mari : il vient d’appeler et il les rejoindra un peu plus tard que prévu. Sophia est déçue, bien sûr et Marie s’en doutait mais elle n’en dira rien. Le boulot d’Antoine est envahissant et prendre des vacances ne signifie pas grand-chose pour ce genre d’hommes : ils se contentent de se déplacer et, où qu’ils se trouvent, ils allument leur ordinateur pour travailler, le cellulaire à portée de main. Antoine couvre sa jeune épouse de cadeaux coûteux et n’a pas deux jours à lui consacrer. Marie sait qu’il a une maîtresse et sans doute plus d’une : ça se lit dans son regard. Marie a fréquenté tant d’hommes mariés… Sophia est trop naïve pour en avoir conscience et c’est tout aussi bien : « elle ne trouverait personne de mieux ».
Marie allume une cigarette avec le briquet de sa fille puis tourne la tête vers ce célibataire qui traîne tous les matins à la même table du café-boulangerie de Saint-Cyprien. Il a sûrement sept ou huit ans de moins qu’elle mais le corps de Marie, entretenu avec la ferveur que d’autres femmes mettent à soigner leur intérieur, plaît aux hommes. Il plaît à tous les hommes et c’est pour ça qu’elle sort en maillot de bain et paréo ouvert haut sur sa jambe.
Tandis que Sophia part régler le petit-déjeuner avec l’argent de poche de son époux, Marie se demande si elle jouera un peu avec cet inconnu. 

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