vendredi 6 juillet 2012

Le Domaine de la Pointe





C’est le genre d’endroits où une brindille d’un mètre soixante-quinze vous accueille en mini-robe trapèze et escarpins Todds, avec un sourire large comme la baie. Les clients ? On les a choisis parmi le casting d’une série tv ; ils posent dans les profondes banquettes disséminées sur le gazon impeccable comme si des caméras filmaient le scénario de leurs vacances. Une Italienne se mire dans les baies vitrées tout au long du trajet qui la conduit au petit-déjeuner où l’attendent déjà son petit tyran de beau-fils et la nounou d’Indochine ; perchée sur des semelles compensées, elle espère être assez belle pour séduire, en sus de son mari, tous les mâles du pont de teck. Les adolescentes d'un touriste monumental traînent leur moue boudeuse sur les allées de bois. Des femmes se jalousent leur bronzage, leur sac à main. Il est possible que certains enfants sont heureux mais on n'en saura rien. 
Il y a les figurants : lunettes blanches et cheveux gominés en arrière, le polo au col relevé serrant le biceps comme preuve de leur irréprochable hygiène, le V des tongs barrant le pied bronzé. Ceux-là louent jet-skis et hélico, proposent visite des anses et sorties sunset avec champagne. Tôt le matin, une jolie photographe arpente, pieds nus et fébrile, les pelouses de l’hôtel. Plus tard, elle shoote une cliente de la thalasso dénudée jusqu’aux bas des reins. 
On a versé du sable pour dessiner une plage de poche privée ; en tee-shirt rose et bermuda blanc, Albane et Edouard n’ont pas vingt ans et filent entre la grève et le bar de la piscine pour agréer les touristes. Edouard est timide et maladroit, il pourrait bien renverser ce plateau chargé d'un double express, d'un mojito et d'un jus de tomate cerises. Albane est plus décontractée et sa queue de cheval bat ses fines omoplates ; on dirait qu'elle s'amuse.
En fait, le personnel a toujours le sourire et semble plus heureux que la clientèle, mi arrogante, mi blasée. Omniprésente et vraie maîtresse des lieux, la mer s’en fiche et c’est tant mieux. 

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