mardi 21 janvier 2014

Gravity - Alfonso Cuaron




photo : DR

Sans doute parce que le film a coûté une fortune et en a très vite rapporté beaucoup plus, on a raconté tout et n'importe quoi à propos de Gravity : un chef d'oeuvre digne de 2001, un nanar déguisé, un métrage aux références lourdingues, le plus beau film jamais tourné sur l'espace, une expérience d'un réalisme époustouflant, une succession de clichés mal écrite.
Un de mes amis a même quitté la salle au bout d'une demi-heure, pour cause de rebondissements téléphonés.

Il faut savoir à quoi on a affaire : un survival épuré en somme, un film d'action, tendu à souhait. Et un acte de bravoure technologique dévolu tout entier au divertissement et à l'émerveillement. Du moment où l'on en a conscience, on se détend et tout va beaucoup mieux.
Cuaron père et fils affirment avoir troussé le scénario en un mois. De fait, je les crois aisément : l'histoire est si brève que l'on dirait une scène, étirée pour en obtenir un long métrage. D'ailleurs, le film descend sous l'heure et demi. La mise en scène est sidérante les personnages judicieusement esquissés - mais jamais plus qu'esquissés, hélas, rendant toute émotion et empathie impossible en ce qui me concerne - le récit rythmé, la musique ingénieuse puisqu'elle tient lieu de bande son, bruitages compris * dès lors que l'on se trouve en plein éther, autant que d'illustration au roller-coster intense subi par l'héroïne - vous l'écouterez ici, par exemple. Le dépaysement ? Total.

Mise en scène et rythme : Cuaron a le talent d'accrocher le spectateur sans jamais avoir recours au montage hysterico/cut si cher aux jeunes cinéastes issus du clip et de la pub - je n'ose imaginer ce que Michael Bay aurait fait d'un tel projet ; ah ben si, Armageddon. Ses plans séquences jouent sur la perte des repères inhérents à un séjour en apesanteur, loin de la Terre, la mettent en valeur en une sorte de ballet fluide entre les machines et les humains - oui, moi aussi je peux donner sans vergogne dans le poncif.

Personnages: David O. Russell avait raison lorsqu'il disait de Clooney/Kowalski, sur le tournage de son excellent Rois du Désert, qu'il lui suffisait d'entrer dans une pièce pour s'affirmer auprès de tous comme un indiscutable leader. De fait, son personnage de vétéran de l'espace fonctionne à la perfection, malgré sa minceur et la brièveté de son séjour à l'écran. Quant à Sandra Bullock/Stone, elle passe assez vite de scientifique nauséeuse et un brin horripilante en une Ripley acharnée de la survie – lingerie et backstory familiale comprises. Sauf que l'Alien de Gravity s'avère une menace moins passionnante. Et son héroïne pas follement attachante, malgré (à cause de ?) tous les efforts du scénario. Mais là où Ripley retournait dans la gueule du loup en découvrant le décès d'une fille qu'elle n'aura pas vu vieillir pour cause de séjour prolongé en cryogénie (version longue de 1992), Ryan Stone fait de la mort de sa fille une raison de poursuivre la lutte pour sa propre survie.

L'action ? On est à Hollywood et comme si souvent, le réalisme autoproclamé avec caution supplémentaire des astronautes est constamment battu en brèche par les exploits de ses protagonistes. Et vous savez quoi ? Je m'en fous.
Car je ne me suis pas ennuyé une seule seconde. 

Au final reste l'impression d'une aventure visuelle aussi forte que dispendieuse, soutenue par un casting réduit à sa plus simple expression, un récit bout de ficelle agitant des marionnettes façonnées aux clichetons. Une impression étrange, un peu celle qu'avait pu me laisser Avatar : un choc visuel tissé sur un scénario convenu. L'un et l'autre étant le fruit singulier de leur créateur et de personne d'autre, écriture, production et innovations technologiques incluses. Rien du film de studio, en somme.

Au moins Gravity n'a pas la prétention de diffuser le moindre message édifiant - je veux dire, hormis "la vie c'est mieux que la mort".

*Musique et bande son ont obtenu un BAFTA ce février. D'ailleurs, le film a remporté quelques récompenses lors de cette cérémonie présentée par Stephen Fry, acteur, réalisateur et écrivain dont je recommande vivement Rhinocéros, une petite merveille : meilleur film britannique (c'est une co-production), meilleur réalisateur, meilleure photographie.

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