vendredi 3 janvier 2014

Millenium 3 : La princesse dans le palais des courants d'air - Stieg Larsson


Stieg Larsson n’aura pas eu beaucoup de temps pour montrer ce dont il était capable. Quadra hyperactif et militant, bourreau de travail vaincu par une crise cardiaque, il aura pourtant écrit 3 romans “policiers” d’une grande maîtrise, le 1er une enquête lente et assez classique sur un prédateur sexuel issu du passé, le 2nd un thriller nettement plus rythmé autour d’un personnage hors du commun - une hacker frappée du syndrome d’Asperger - et de son passé violent, intimement lié à l’histoire secrète du Rideau de Fer et de ses transfuges.
Le 3e opus n’est “que” la résolution politico-judiciaire du précédent. Est-ce pour cette raison qu’il m’a déçu ? Après le feu d’artifice de La jeune fille qui rêvait d’un bidon d'essence et d'une allumette, se retrouver peu ou prou enfermé dans une chambre d’hôpital ou dans les antichambres de divers cabinets m’a quelque peu surpris, pour ne pas dire ennuyé.
Les enjeux ? Prouver auprès des autorités démocratiques l’innocence de cette chère Lisbeth Salander, la mettre à l’abri de ceux qui l’ont jadis enfermée en hôpital psychiatrique pour des raisons d’état oiseuses. La Princesse dans le palais des courants d’air est une sorte de roman d’espionnage argumenté et très bavard qui m’a souvent donné le sentiment d’assister à un documentaire en caméra caché. Ponctué ici et là quelques climax détonnant furieusement avec le corps du récit - super-héroïque, Michael Blomkvist s’avère capable de détourner à mains nues une mitraillette pointée sur lui par un tueur aguerri ; sans doute son passé de journaliste d’investigation. Quant à Lisbeth Salender, elle parvient sans trop de difficulté à se débarrasser de son assassin de frère, une montagne de muscles insensible à toute douleur. Why not ? Mais pas dans ce roman-là, qui joue à plein la carte de l’hyper-réalisme à tout autres égards.
La foultitude d’intervenants, good cops ou villains ne m’a pas aidé à m’attacher à nombre d’entre eux, à même m’en souvenir d’un chapitre à l’autre.
L’intrigue secondaire, qui expose les difficultés d’une héroïne bien connue des lecteurs du cycle au sein d’un quotidien dont on lui vient de lui confier les rênes, est une charge supplémentaire contre les abus d’une certaine classe au pouvoir en Suède. Habilement menée, elle tient trop de la thèse pour passionner et sa résolution est un tour de passe-passe dont je n’ai pas bien compris l’intérêt, sinon celui de parler du métier de rédac chef dans une démocratie un peu (?) corrompue "par les puissances de l'argent". Et de couper le récit principal pour le laisser respirer, sans doute.
Malgré tout, comment ne pas admirer la qualité du récit, porté par une écriture blanche, un sens aigu de l’argumentation, une clarté des motivations et un propos presque libertaire, mené cependant sans ce pathos pubère qui plombe parfois les polars à message ?
Rafraîchissant aussi, le rôle des femmes dans tous les romans du cycle, leur place incontestable et incontestée, sinon par des personnages que Larsson a tôt fait de tourner en dérision. La vision libérée - comprendre : hors des clichés de la morale chrétienne - de la sexualité est tout aussi plaisante et moderne.
Surtout, Larsson a créé en la personne de Lisbeth Salander une héroïne hors du commun, bourrée de paradoxes irréconciliables et si passionnants à lire. Une création si forte que je crois en avoir trouvé trace chez plusieurs auteurs français, de Werber à Minier en passant par Traqui. En somme, une classe de personnage à part entière qui devrait inspirer d’autres écrivains d’imaginaire.
Malgré la déception que m’a suscité cet ultime tome, malgré son happy end aussi, je l’ai refermé la gorge serrée : Larsson est mort et la promesse de nouvelles aventures de Salander et Blomqvist restera à jamais inassouvie.

0 commentaires: