vendredi 19 juin 2009

Les Dragons de la cité rouge, extrait II

L’après-midi touchait à sa fin. Au-dessus des monts Ténébreux brillait une étoile unique. Bientôt, des milliers de sœurs la rejoindraient là-haut. Certains affirmaient que chacune d’elle était le cœur d’un héros défunt. Quelle était celle du roi Baragan ? Le père d’Éline était mort en sauvant son peuple de la menace descendue du Détroit. Le lendemain de ses funérailles, Alec avait scruté le ciel, les nuits suivantes aussi. Il avait cessé après un mois, n’ayant décelé aucun nouvel astre au-dessus du royaume de Redfelt.

Et si Baragan brillait pour le ciel d’un autre peuple, alors où était l’intérêt ?

Alec était certain d’une chose : sa vie ne vaudrait aucune étoile.

L’eau fraîche devint soudain glaciale. Arkan, qui buvait en amont, feula. Son compagnon humain se redressa. Masquant l’étoile dans son halo de lumière vive une forme bleue était apparue. La lumière déclina et Shen Sey fut là. En équilibre sur des pierres, mains sur les hanches et son visage incliné de côté, elle dominait Alec.

— Quel merveilleux spectacle ! dit-elle.
Le dragon fut le premier à réagir :
— Laisse-le, il est épuisé.
— Oh, tu es là, le lézard, dit-elle avant de retourner son attention vers Alec. Alors mon amant est épuisé ?
— J’aurais pu mourir aujourd’hui.
— Comme tu aurais pu mourir hier ou tu le pourrais demain. Quoi d’inédit là-dedans ?
— Parfois la mort est plus proche.
— Et tu te bats pour l’éloigner. Ne te plains pas, l’humain, tu as toi-même choisi ton métier. Et puis, tu aurais pu me demander de l’aide.
— Arkan et moi nous en sommes sortis seuls.
— Formidable.
— Tu peux retourner d’où tu viens, Shen.
Elle secoua la tête.
— On dirait un gamin qui s’émancipe de sa mère en tapant du pied.
Alec se leva et sortit du lit bouillonnant. Shen Sey le toisa avec envie. Pour ne pas céder à la beauté et à la sensualité de cette femme, il se détourna d’elle et se sécha en se frottant avec une couverture.
— Tu es un homme désirable…, dit Shen Sey avant qu’il enfile une chemise sèche et un gilet de peau sans manches. Dommage que ton cœur soit comme un roc.
— Je ne sais même pas si tu as un cœur, Shen.
— Tu n’as jamais cherché à le savoir.
— Ce que je connais de toi me suffit amplement.
— Je pourrais te briser pour de tels propos.
— En général, tu ne te gênes pas. Qu’est-ce qui t’arrête aujourd’hui ? La lassitude ? Alors je ne te retiens pas.
D’un bond Shen Sey quitta à son tour la rivière. Elle rejoignit son amant qui rassemblait du bois pour un feu.
— Tu ne mets pas de pantalon, Alec ?
— Je pensais que tu aimerais mieux sans, ironisa-t-il.
— Ne me provoque pas.
— Qui voudrait faire une chose pareille ? Tu ne veux pas m’aider plutôt ?
— Je n’ai jamais froid, tu le sais bien.

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